Une étoile, comme le Soleil, n’est pas une boule de gaz qui brûle. C’est une boule de plasma, dont le cœur, sous pression, est à une température telle que la matière se transforme fondamentalement. Bien plus fort qu’une simple réaction de combustion, où la matière se combine et se recombine, dans le Soleil, la matière est transformée par des réactions nucléaires.
L’énergie libérée par cette transformation permet de contrer l’effondrement gravitationnel de cet amas de plasma. Si l’effondrement gravitationnel augmente un instant, les réactions au cœur du Soleil sont plus nombreuses, ce qui libère plus d’énergie et donc compense l’effondrement d’autant plus.
Assez extraordinairement, donc, le Soleil comme toute étoile est un système à l’équilibre entre deux forces : l’effondrement gravitationnel d’un côté et une explosion nucléaire continue du cœur de l’autre.
Ce processus n’a pas lieu dans les planètes : leur masse n’est pas suffisante pour chauffer le gaz de sorte à permettre la fusion nucléaire.
Il faut une masse d’environ 13 fois celle de Jupiter pour commencer à observer des réactions de fusion les plus simples (la fusion du deutérieum). On a alors à faire à une petite étoile de type naine brune. La fusion, lente et limitée au deutérium, ne dure pas longtemps, et la naine brune finit par s’éteindre, par manque de deutérium.
Le Soleil est une étoile moyenne et déjà, son fonctionnement est assez complexe.
Si tout ceci vous semble déjà surprenant et intéressant, dans ce qui suit, vous trouverez une liste de quelques autres objets cosmiques encore plus étonnants et intrigants !
Le trou noir de lumière : le kugelblitz
« Kugelblitz » vient de l’allemand signifiant « éclair en boule ». Rien à voir avec le phénomène électrique cependant, il s’agit bien ici d’un objet cosmique, et en l’occurrence d’un type de trou noir.
Typiquement, un trou noir est une concentration de masse si intense qu’aucune force ne peut plus stopper l’effondrement gravitationnel. Même la fusion nucléaire ne dégage plus assez d’énergie pour contrer la force de gravité. L’effondrement de la matière est alors telle que toute la masse se rejoint en un point unique au centre d’un trou noir, et il se forme une sphère d’influence partout autour et à l’intérieur de laquelle la force est trop importante pour pouvoir en sortir.
La masse accumulée reste cependant « active » gravitationnellement parlant : des planètes ou des étoiles peuvent orbiter autour d’un trou noir. La différence avec une étoile, c’est simplement que si on s’en approche trop, même se déplacer à la vitesse de la lumière ne suffira pas pour réussir à échapper à son attraction. En d’autres termes : même la lumière ne peut s’échapper d’un trou noir. C’est pour ça qu’on ne peut pas l’observer directement, et donc qu’il est noir.
Le kugelblitz, c’est la même chose, mais au lieu de concentrer de la masse, on concentre de la lumière.
Imaginez une boîte composée de miroirs tournées vers l’intérieur : si ces miroirs sont parfaits, alors toute la lumière qui s’y trouve y reste indéfiniment. Si on y enferme une bougie, de plus en plus de lumière se trouve dans la boîte. Ceci constituerait une façon de concentrer et d’accumuler de la lumière. En réalité, des miroirs parfaits n’existent pas. Néanmoins, une concentration ou une accumulation de lumière n’est pas une idée absurde. Une simple lentille optique permet de concentrer de la lumière en un point.
Or, si on se rappelle, la lumière est une forme d’énergie. De plus, on sait depuis Einstein que la masse en est une également : masse et énergie sont reliées par la relation d’équivalence bien connue :
$$\text{Énergie} = \text{masse } \times c^2$$
Or, si la formation d’un trou noir se fait par la concentration de masse, on peut dire la même chose pour l’énergie, et donc aussi la lumière. Mais du coup… concentrer de la lumière devrait également pouvoir former un trou noir. C’est là l’idée derrière un kugelblitz.
Il faut cependant se rendre compte qu’il faudrait une quantité incroyablement importante de lumière pour former un trou noir comme ça.
Par exemple, il faudrait concentrer la masse totale de la Terre dans une bille de la taille d’un petit pois. Étant donné que le facteur de multiplication entre masse et énergie (donc la lumière) est de c², qui est un nombre à 16 chiffres, il faut d’autant plus de lumière qu’il ne faut de masse (et la quantité de lumière pouvant être mesurée en fonction de l’énergie qu’elle véhicule, donc en joules).
Une fois formé, un trou noir est un trou noir : qu’il se soit formé de matière solide ou de lumière.
Les kugelblitz sont juste une idée théorique, étant donné qu’un trou noir est un trou noir, quelle que soit la forme d’énergie qui l’a fait naître. L’idée n’est pas dénuée de fondements, c’est simplement qu’il faudrait tellement de lumière au même endroit (plusieurs fois la lumière émise par toute une galaxie) que la création d’un tel trou noir est peu réaliste.
Le blitzar
Prenons pour commencer un pulsar : c’est une étoile à neutron qui tourne rapidement sur elle-même (plusieurs dizaines de fois par seconde) en émettant des pulses d’ondes radio de façon régulière. Les pulses émis sont si régulières qu’on utilise une constellation de pulsars pour se repérer dans la galaxie.
Considérons également qu’une étoile à neutron qui finirait par accréter trop de matière se transformerait en trou noir sous l’effet de la gravité. La limite entre étoile à neutron et trou noir se situe, en termes de masse, autour de 2,1 masses solaires.
Il existe pourtant des pulsars plus massifs que ça. Dans leur cas, c’est la force centrifuge résultant de leur rotation qui suffit à empêcher l’effondrement en trou noir.
Ce type de pulsar particulier, voit son énergie diminuer au fur et à mesure qu’il la rayonne sous forme d’ondes radio (voire d’ondes gravitationnelles). Sa vitesse de rotation diminue donc aussi, et avec elle la force centrifuge. Il vient alors un moment où le pulsar se transforme subitement en trou noir dans un flash d’ondes radio : on appelle ce phénomène des « blitzar ».
Le nom vient là aussi de l’allemand blitz pour « éclair » (suffixé de -ar), en référence au fait que les pulses radio laissent place à un « éclair » d’ondes radio : les sursauts radio rapides appelés FRB (pour fast radio bursts), au moment de leur passage d’état de pulsar à trou noir.
Si les FRB, les étoiles à neutron et les pulsars sont réels et observés, les blitzar et le processus lié à la force centrifuge qui diminue au fil du temps ne sont pour le moment qu’une hypothèse pour expliquer et lier tous ces phénomènes.
La quasi-étoile
Le nom peut laisser penser qu’il s’agit là d’un stade intermédiaire entre une grosse planète (type géante gazeuse) et une petite étoile (type naine brune). Il n’en est rien et en réalité, la quasi-étoile est bien plus étrange (et massive) que ça…
Une étoile, répétons-le, est une boule de plasma dont la pression interne est suffisante pour fusionner les atomes entre eux. La fusion libère assez d’énergie pour contrebalancer les forces de gravitation. L’étoile conserve donc sa taille, mais fusionne de la matière en son centre.
Quand il n’y a plus rien à fusionner au centre, ce dernier s’effondre et les couches externes tombent puis rebondissent dessus dans une explosion cataclysmique : c’est une supernova.
Les étoiles les plus grosses observées sont les hyper-géantes-rouges avec leur ~2 000 rayons solaires, mais ne sont pas les plus massives (seulement ~20 masses solaires). D’autres, de composition différente, comme les hyper-géantes-bleues, atteignent ~300 masses solaires mais sont plus petites (~100 rayons solaires « seulement »).
Les étoiles de type « quasi-étoile » ont-elles une masse atteignant 10 000 masses solaires et un rayon les 8 000 rayons solaires : elles sont aussi grandes que notre système solaire tout entier, s’étendant au-delà de l’orbite de Neptune.
De tels monstres auraient un cœur si dense que ces derniers se seraient tout simplement transformés en trous noirs suite à une supernova interne et continue ! Les quasi-étoiles sont des étoiles super-hyper géantes avec pour cœur un trou noir :
Ce qui empêche alors l’effondrement complet serait les radiations émises quand les couches internes tombent dans le trou noir. Si, dans une étoile classique, la supernova souffle les couches externes et ne laisse derrière lui qu’un petit trou noir, ici, l’étoile est déjà tellement massive que la supernova ne suffit pas à tout souffler.
Le nuage de gaz autour du trou noir continue donc de tomber dessus. En accélérant, le gaz s’échauffe et rayonne. Ce rayonnement serait suffisant pour repousser, chauffer et illuminer les couches externes de l’amas de matière. La chute de matière dans le trou noir, continue et régulière, maintient l’étoile « en vie ».
Une quasi-étoile est donc un état d’équilibre entre l’effondrement gravitationnel de la matière et le rayonnement intense d’énergie par la matière qui accélère vers le trou noir.
Ce type de formation stellaire extrême n’existe plus — en considérant que ce fut un jour le cas — dans l’univers : elles n’ont pu exister qu’au début de l’univers, quand la quantité d’hydrogène était suffisante pour former des étoiles aussi grosses et aussi riche en hydrogène (et pauvre en éléments lourds issues de précédentes étoiles).
Ce type d’étoile a un mécanisme de formation qui est hypothétique, voulant dire par là qu’il ne soit pas impossible qu’il y ait existé de telles étoiles. Leur existence passée expliquerait la présence actuelle de trous noirs supermassifs (jusqu’à plusieurs dizaines de milliards de masses solaires), qui ne pourraient s’être formés à partir d’un petit trou noir de fin de vie d’une étoile, même géante, y compris après des milliards d’années passées à « manger » de la matière.
Néanmoins, ce n’est pas absurde : en effet, certains modèles proposent des étoiles géantes qui disposent en leur cœur non pas un trou noir, mais une étoile à neutron (qui est l’astre à un stade d’effondrement gravitationnel précédant le trou noir). Ce sont les objets de Thorne-Żytkow, qui se formeraient lors de la collision d’une étoile à neutron avec une étoile normale. Là aussi, ce modèle reste sujet à débat, mais certaines étoiles dans notre galaxie satisferaient à leur description.
Zetta-particule
Les zetta-particules, « rayon cosmique ultra énergétique » ne sont pas des astres, juste des particules, ordinaires qui plus est (comme un proton, ou un électron).
Leur étrangeté réside dans leur énergie cinétique : elle est de l’ordre du zetta-électron-volt, ou ZeV, soit 10²¹ eV, ou environ 100 joules. C’est 40 000 000 de fois plus d’énergie que celle déployée au CERN dans le LHC. Elle correspond à la même énergie qu’une balle de tennis lancée à 100 km/h. Ces 100 joules sont alors contenus dans un seul proton, alors que la balle de Tennis en contient de l’ordre de 10²⁵
Pour donner une idée, si notre balle de tennis avait la même vitesse que la zetta-particule, alors son énergie serait similaire à l’énergie cinétique de la Lune. Une balle de tennis à cette vitesse ferait alors autant de dégâts en percutant la Terre qu’un astéroïde de la taille de la Lune.
La plus célèbre de ces particules à ultra haute énergie est probablement la « particule Oh-My-God », détectée en 1991, et qui possédait 0,35 ZeV. Elle était alors vingt millions de fois plus énergétique que la plus puissante particule mesurée jusqu’alors, d’où le nom qu’on lui a donné.
Ces particules sont rares : le détecteur AGASA, au Japon, en a détecté que cinq, au cours des huit premières années de service, et on n’est pas encore sûr de savoir ce qui les produit réellement. D’autant plus que des particules voyageant à cette vitesse sur de longues distances devraient (théoriquement) être freinées par le rayonnement cosmique baignant l’univers.
Quelques hypothèses parlent de particules émises par des hypernovas (des supernovas géantes, super lumineuses), par des collisions de particules accélérées à proximité de trous noirs, ou par des étoiles à neutron.
Ceci montre que le plus grand accélérateur de particules reste l’univers, et que notre LHC sur Terre ne lui arrive pas encore à la cheville. Ceci dit, d’autres particules cosmiques sont très utiles, par exemple pour cartographier l’intérieur des pyramides ou des volcans.
L’Étoile étrange
Dans une étoile, les atomes sont pressés les uns contre les autres et ça chauffe. Les électrons se libèrent de leur noyau : cette matière, totalement ionisée et constituée d’une soupe d’électrons parsemée de noyaux atomiques est un plasma. Occasionnellement, des noyaux se choquent et restent collés : c’est la fusion nucléaire, libérant de l’énergie sous forme de rayonnement et de chaleur. Ce rayonnement, tant qu’il est produit, compense l’effondrement de l’étoile.
En fin de vie, l’étoile n’a plus rien à fusionner et elle s’effondre et forme une étoile à neutron.
Les étoiles à neutrons sont ce qu’on obtient quand l’effondrement est trop important pour les électrons : la répulsion des électrons ne suffit plus à maintenir les particules séparées. Du coup, les protons et les électrons fusionnent en neutrons. L’ensemble de l’espace occupé par une étoile à neutron est alors comblé par des neutrons et c’est l’interaction forte qui empêche les particules de s’effondrer davantage.
Il arrive que l’interaction forte ne suffise plus à son tour et les neutrons se scindent à leur tour. À ce moment, ce sont les composants des neutrons, les quarks, qui se retrouvent libérés les uns des autres, mais toujours sous pression. Ce qui empêche l’effondrement se trouve maintenant être l’interaction de couleur (propre aux quarks, et dont le nom ne désigne au passage rien de véritablement « coloré »).
Il existe plusieurs types de quark : up, down, charm, strange, top et bottom (oui, on sent que les physiciens étaient à court de noms). Dans le cas présent, ce sont les quarks strange qui composeraient ces étoiles. Vous l’aurez deviné : ce sont eux qui donnent leur nom à ces « étoiles étranges ».
Si une étoile mesure quelques centaines de milliers de kilomètres de diamètre, qu’une étoile à neutron mesure quelques dizaines de kilomètres, une étoile étrange est tellement compacte qu’elle mesure quelques kilomètres de diamètre seulement (et toujours avec la même masse !).
L’étoile étrange possède donc la masse (et l’influence gravitationnelle) d’une étoile et la taille d’un petit astéroïde. Si l’on considère que le quark est une particule fondamentale (et c’est le cas dans le modèle standard de l’univers), alors il n’existe pas d’étape entre l’effondrement d’une étoile à neutrons en étoile étrange et le stade de trou-noir.
Dans le trou noir, la matière est tellement effondrée qu’on imagine qu’il occupe seulement un point de l’espace : une singularité. Ce qu’on appelle « trou noir » n’est alors que la région entourant cette singularité et d’où il est impossible de sortir, même pour la lumière, à cause de l’accélération de la pesanteur si intense.
Le courant noir
Aux échelles intergalactiques, les distances sont de l’ordre du million d’années lumières voire plus. L’âge de l’univers étant supposé à 13,8 milliards d’années (ou gigaannées, ou Ga), les photons que l’on détecte pour observer l’univers ne peuvent avoir voyagé plus longtemps que l’âge de l’univers. La limite de visibilité se situerait à 13,8 d’années lumière de distance.
À cela, on doit ajouter une correction liée à l’expansion de l’univers : une source de photons qui émettait il y a 13,8 Ga peut s’être éloigné de nous entre-temps, tout en restant visible grâce à ses photons. Considérant ça, la limite réelle de visibilité, appelée horizon cosmologique se situe en réalité à 45 milliards d’années-lumières.
Au-delà de l’horizon cosmologique, nous ne voyons rien : aucune lumière n’a encore eu le temps de venir jusqu’à nous. Cet horizon s’agrandit, par définition, de 1 année lumière par an, au fur et à mesure que de la lumière plus lointaine nous parvient. Cependant, au-delà d’une certaine distance de 61 milliards d’années-lumière, l’expansion de l’univers est telle qu’aucune lumière ou interaction de quelque nature que ce soit ne pourra jamais nous atteindre : une source de lumière très éloignée s’éloigne en effet de nous, et de plus en plus vite. À un moment donnée, son éloignement se fera plus rapidement que la lumière.
Il existe donc une zone où la lumière émise nous parvient pour le moment, mais qui ne nous parviendra plus à cause de l’accélération de l’expansion de l’univers. À terme, donc, l’horizon cosmologique se réduira.
Ceci étant dit, le courant noir maintenant…
Dans la même veine que la matière noire (une source de gravitation d’origine inconnue) et l’énergie noire (la source de l’accélération de l’expansion de l’univers, d’origine inconnue), on a nommé le courant noir : un déplacement relativement uniforme des amas de galaxies et des super-amas de galaxies, vers un même endroit.
Il faut savoir que lorsqu’on observe des galaxies lointaines, la lumière qui nous parvient d’elles est déformée, étirée : c’est le redshift, dû à l’expansion de l’univers. On parle également de l’effet Doppler relativiste (l’effet Doppler, mais appliqué à la lumière). En mesurant l’importance de ce redshift, on détermine la distance des galaxies ainsi que leur vitesse de déplacement par rapport à nous (de la même manière qu’un radar au bord de la route détermine la vitesse de votre voiture).
L’univers est considéré comme isotrope : c’est-à-dire que, où que l’on regarde dans le ciel, on observe statistiquement la même chose : il n’y a pas de régions de l’univers observable qui soit plus denses en galaxies que d’autres. Par ailleurs, globalement, les galaxies situées à une certaine distance de nous s’éloignent toutes de nous à la même vitesse (toujours à cause de l’expansion de l’univers).
Or, il a été détecté que les galaxies s’éloignaient très légèrement moins vite de nous d’un côté que de l’autre. Ceci signifierait que toutes ces galaxies, la nôtre comprise, seraient tous en mouvement vers un même endroit.
C’est ce déplacement à l’apparence uniforme des galaxies au sein de l’univers tout observable tout entier qui est appelé « le courant noir ».
Son origine n’est pas connue. Il peut s’agir d’une région dense de l’univers qui fut jadis dans l’horizon cosmologique, mais qui ne s’y trouve plus désormais. Le mouvement acquis par les galaxies subsiste, lui, et il est donc possible que le courant noir ait une source qui nous sera, pour toujours, un mystère.
Il se peut aussi que ce soit une source de matière noire, une région de l’univers trop sombre, un trou noir de la masse de millions de milliards de galaxies, voire une influence extérieure d’un autre univers… Les hypothèses sont ouvertes.
À noter : il existe un effet similaire au courant noir, mais à l’échelle plus petite de Laniakea, un trio de super-amas de galaxies dont la Voie Lactée fait partie. Les galaxies « locales » semblent toutes converger vers ce qu’on dénomme « le Grand Attracteur », qui aurait une masse de 10 millions de milliards de masses solaires, soit de l’ordre d’une centaine de milliers de fois la masse de la Voie Lactée.
Là aussi, on détecte une convergence des galaxies vers ce Grand Attracteur grâce à l’effet Doppler relativiste.
Si le phénomène lié au Grand Attracteur semble admis, celui du courant noir, qui est à une échelle plus grande que celle de l’univers observable, est parfois remis en question.
Le cerveau de Boltzmann
Rassurez-vous, je ne vais pas parler de la cervelle de Ludwig Boltzmann. Non, le cerveau de Boltzmann fait plutôt référence à une entité intelligente (le « cerveau ») créée simplement à partir des fluctuations des particules dans l’univers, en particulier à cause de l’entropie (d’où la référence à Boltzmann).
Un ensemble de particules ne reste pas en place. Laissé à lui et au temps, les particules vibrent, bougent, réagissent, et finissent par modifier le système tout entier. Plus le temps passe, plus le système est différent de son état initial : on dit que l’entropie augmente.
L’entropie est associée à la notion de désordre.
On peut prendre pour exemple un jeu de carte. Si les cartes sont rangées dans l’ordre, l’entropie est faible : le système est ordonné. Maintenant, prenons la première carte et plaçons-la au hasard dans le paquet puis répétons cette opération un grand nombre de fois : toutes les cartes vont finir par être mélangées. À ce moment-là, le système sera désordonné.
Pour un jeu de 52 cartes, il existe 8,066 × 10⁶⁷ arrangements possibles pour les cartes, dont une seulement est ordonnée. Le nombre d’arrangements est gigantesque : proche du nombre d’atomes dans la galaxie, et il faudrait un temps tout aussi colossal pour espérer obtenir un paquet de cartes bien ordonné en continuant de mélanger les cartes une par une. Ainsi, si on bouge une carte par seconde, il faudrait toujours 10⁶⁰ années ; et encore, il ne s’agit là que de la probabilité de retrouver un paquet mélangé, pas une certitude.
Néanmoins… si on part de l’hypothèse que le temps est infini, alors même 10⁶⁰ ans n’est rien. On peut très bien parler du futur dans 10¹⁰⁰⁰ ans.
À ces échelles, on est statistiquement certain d’obtenir un paquet de cartes bien ordonné et même d’y parvenir un très grand nombre de fois ! Tout devient possible, du moment qu’il y ait, au départ, une probabilité non-nulle que ça se produise.
Maintenant, l’entropie au sens physique n’est effectivement applicable qu’à des particules (pas à des jeux de carte), mais le principe reste le même. Ce sont les particules qui composent la matière, êtres vivants compris.
Si on applique le raisonnement précédent, alors il est hautement probable que n’importe quel ensemble d’atome finisse par produire n’importe quelle molécule, et par suite, n’importe quel ensemble de molécules puis n’importe quel objet. L’entropie seule pourra créer des objets complexes en faisant jouer le hasard.
Encore mieux : le vide, grâce aux fluctuations quantiques, peut produire des particules. Si on laisse assez de temps au vide, toutes ces particules et donc ces objets pourraient très bien être produits.
Or, l’univers peut entamer la création de n’importe quoi, ceci inclut des créatures dotées d’intelligence : un cerveau, en somme !
Et si on pousse le raisonnement encore plus loin, on peut imaginer des civilisations entières composées de ces entités intelligentes !
Ce n’est pas de la fiction : juste le résultat de l’évolution d’un groupe de particules qui agissent de façons probabilistes et à qui l’on a donné un temps suffisamment long.
Bien-sûr, 10¹⁰⁰⁰ ans constitue un temps absolument inimaginable : ça représente environ 10⁹⁹⁰ fois l’âge de l’univers. Si les fluctuations quantiques sont théorisée et observées, des molécules entières produites par le vide n’ont encore jamais été observées. On suppose donc que pour observer des cerveaux des Boltzmann, on doit attendre encore… longtemps longtemps.
Cependant, si on applique les phénomènes de probabilité aux atomes directement, alors les choses vont plus vite : ce sont des phénomènes probabilistes qui engendrent les réactions chimiques. Ce sont aussi les réactions chimiques qui maintiennent tout ce qui se passe au sein du vivant.
Si l’on se considère comme faisant partie d’une civilisation intelligente, et que la vie est née d’un phénomène chimique dont l’origine est le pur hasard, alors on peut considérer être un exemple de « cerveaux de Boltzmann ».
Nous serions, sous cette définition, nous-même le produit de l’entropie appliquée aux atomes, à qui l’on a donné 13,8 milliards d’années.