Billets de 100 dollars.
Parfois sont utilisés des stylos ou feutres qui détectent les faux billets. L’emploi en est assez simple : on fait une petite marque sur le billet avec le stylo, et il y a alors deux possibilités :

  • soit le trait est jaune et disparaît en séchant ;
  • soit le trait devient bleu ou noir, et persiste.

Si le trait disparaît, le billet est authentique et la marque ne laisse pas de trace.
Si le trait persiste d’une couleur très sombre, alors le billet est un faux.

Comment cela fonctionne ? Est-ce que c’est fiable ?

Une encre à base d’iode et du papier contenant de l’amidon

L’encre de ces stylos est à base d’eau ou d’alcool et contient de l’iodure de potassium. C’est plus ou moins la même chose que la teinture d’iode utilisée en médecine pour nettoyer une plaie. Concentré, c’est un produit brun-orange. Dilué, il est jaune voire transparent.

L’amidon quant à lui est un polymère du glucose (un sucre) : il s’agit d’un long enchaînement de molécules de glucose. Ces longues chaînes peuvent être ramifiées ou s’enrouler en hélice. Dans le cas où elles forment ces chaînes hélicoïdales, on parle d’amylose.

Quand on met en présence des ions iodure I avec de l’amidon, et plus spécifiquement de l’amylose, les ions iodure viennent se placer au centre de l’hélice d’amylose :

Représentation de la molécule d’amylose avec les ions iodure au centre de l’hélice.
Les ions iodure viennent se caler au centre de l’hélice d’amylose et sont retenues par des liaisons de Van der Waals.

Ce complexe ainsi formé absorbe la lumière et devient donc très sombre : bleu foncé, voire noir. Cette coloration disparaît si l’on chauffe la solution : les hélices d’amylose ont alors tendance à se dérouler.

Le test de l’iode est une méthode très connue et très simple pour mettre en évidence la présence d’amidon. Il est utilisé par exemple par les brasseurs de bière, pour vérifier que l’amidon a bien été complètement transformé en sucres simples (qui seront ensuite fermentés par les levures, ces dernières ne pouvant consommer l’amidon directement).

Du papier utilisé pour les billets de banque

OK, donc l’iode réagit avec l’amidon. Et nos billets ?

La plupart des billets de banque du monde, incluant ceux en euros et en dollar, sont imprimés sur de la fibre de cellulose, typiquement de coton. Ces derniers ne contiennent pas d’amidon. Si l’on verse de la teinture d’iode sur ces billets, cela ne devient pas bleu-noir, mais reste jaune puis disparaît en séchant.

Le papier ordinaire, en revanche, contient de l’amidon ! Si l’on verse de l’iode dessus, cela fera une tache sombre. Il en ira de même pour une pomme de terre, de pâtes alimentaires ou encore du pain : on met facilement leur amidon en évidence grâce à de la teinture d’iode que l’on verse dessus :

Trait d’encre iodé sur un billet sur du papier ordinaire
Le trait est parfaitement visible sur le papier ordinaire, mais invisible sur le billet de banque authentique.

Ce que font donc ces stylos, c’est détecter l’amidon. Si un billet contrefait est imprimé sur du papier ordinaire, il contiendra de l’amidon et le stylo laissera une trace noire. Si le billet est authentique, il sera imprimé sur de la fibre de cellulose et le stylo ne laissera pas de marque noire.

Est-ce fiable ?

Comme toutes les méthodes de détection, elles sont fiables seulement jusqu’à un certain point, et ne sont donc pas parfaites. Il est possible de faire passer des faux-billets comme étant des vrais (faux-négatifs) et inversement détecter des vrais billets comme étant des faux (faux-positifs).

Si le billet contrefait est imprimé sur du papier de coton, alors le stylo ne les détectera pas. De plus, il est facile de traiter un papier ordinaire pour qu’il ne réagisse pas à l’iode. Par exemple avec un acide. Le fameux « tour de magie » qui permet d’écrire avec du jus de citron (contenant de l’acide citrique) utilise ce principe : on passe un pinceau d’iode dessus et les zones écrites à l’acide ressortent clair alors que la feuille noircit.

Un billet authentique qui a été contact avec de l’amidon (farine ou pain chez le boulanger par exemple) apparaîtra également comme un faux billet à cause de l’amidon contenu dans la farine. Il faut vraiment ne pas avoir de chance, mais cela peut arriver.

En cas de doute, il faut utiliser une technique de vérification complémentaire, comme un détecteur à ultra-violet (les billets contiennent des bandes fluorescentes sous UV), un détecteur magnétique (certaines encres des billets sont sensibles aux aimants), ou encore un test de transparence (certaines zones sont plus ou moins transparentes.

Quoi qu’il en soit, c’est une méthode intéressante et à portée de tout le monde pour résoudre un problème de la vie de tous les jours et impliquant de la chimie.

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Image d’en-tête produite par Bing AI

4 commentaires

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L' E Sauvage écrit :

Quelques précisions :
Les détecteurs à UV servent principalement à reconnaître les agents azurant dans le papier ordinaire, absents du papier monnaie.
Le test de transparence, j'espère que tout le monde connaît. On appelle ça le filigrane, c'est certainement la méthode la plus simple et la plus fiable. Les autres relèvent plutôt du gadget.
Les guichetiers savaient reconnaître le papier-monnaie au toucher.
Les éléments de sécurité d'un billet :
- Le filigrane.
- Le papier sans azurant.
- Le fil de sécurité.
- Les impressions complémentaires recto-verso.
- L'impression en relief.
- Les "hologrammes".
- L'encre à changement de couleur.
- Le schéma des symboles anti-copie.
- La micro-impression.
- La signature du directeur de la BCE.
Je crois qu'elles y sont toutes, mais je ne garantis pas.

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Le Hollandais Volant écrit :

@L' E Sauvage : Merci pour la liste, par contre les billets euros ont bien des petits bouts de fibres (?) fluorescents qui ressortent, ainsi que certaines des étoiles qui brillent sous les UV (certaines zones n’apparaissent même que sous UV-C).
Les billets de Francs les avaient déjà aussi (en tout cas de 500 FF Curie l’avaient).
Par contre le fait que le papier lui-même ne brille pas est une bonne remarque.

Il manque aussi les encres magnétiques (sur la première série d’euros en tout cas), ainsi que certaines zones qui s’assombrissent sous lumière infrarouge (mais il faut une caméra spéciale IR pour voir ça).

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L' E Sauvage écrit :

@Le Hollandais Volant :
Oui, tout à fait, les billets modernes de beaucoup de devises ont des éléments fluorescents (je crois que ça fait des grains de riz rouges et bleus sur les US $, et que ce sont des fibres de soie sur les €), éléments qui ressortent précisément parce que le papier n'est pas fluorescent. Quand j'étais guichetier, ces éléments étaient plus de nature à me faire douter de l'authenticité du billet qu'à me rassurer.
L'impression fluorescente reprend le principe des cartes bleues, qui ont longtemps eu une colombe visible sous UV en plus de l'"hologramme". Je crois que cette petite délicatesse n'existe plus, les "fer à repasser" n'étant plus utilisés.
Les billets sont probablement les derniers utilisateurs de l'impression en taille-douce qui permet le relief. Il y a dans cet objet du quotidien un mélange de traditions et de modernité tout à fait fascinant.

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Le Hollandais Volant écrit :

@L' E Sauvage : Parfois c’est même assez artistique !
Sur le 500 FF Curie mentionné plus haut, le code qui régit aux UV est tout simplement le symbole chimique du radium ! Le même truc qui produit permet de faire briller des composés phosphorés par radioluminescence. Je ne sais pas si c’était volontaire, mais faire briller le symbole du radium (découvert par les Curie), ça boucle un peu la boucle, je dirais !


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