spectre de lumière visible
Tout comme nous n’entendons pas les cris des chauves-souris, dont la fréquence est en dehors de notre domaine d’audition, il existe des formes de lumière que nos yeux ne peut pas voir : de la lumière située en dehors de la capacité de perception de nos yeux.
La lumière fait partie des ondes électromagnétique, et le domaine « visible » de ces ondes (constituant la lumière… visible), n’est qu’une petite portion de toutes les ondes qui existent.

Les longueurs d’ondes de l’électromagnétique vont du femtomètre ($10^{-15}$ m) aux centaine de milliers de kilomètre ($10^8$ m) et le visible n’est situé qu’entre $0,4 \times 10^{-6}$ et $0,8 \times 10^{-6}$ m. C’est donc comme si nous ne voyions qu’une seule octave d’une gamme bien plus vaste…

Or, il se passe des tas de choses dans les domaines spectraux qui ne sont pas visibles.

J’avais déjà fait un article où je parlais de toutes les ondes qui nous baignent : radio, télé, GSM, 4G, mais aussi GPS, CB, Wifi, Bluetooth, infrarouge, RFID, Radar, TETRA…

Aujourd’hui j’ai décidé non plus de lister tout ça, mais de vous les montrer.

Il existe des dispositifs pour voir ces ondes : des caméras infrarouge, ou ultraviolet par exemple, mais elles sont chères, limitées et on ne parle même pas de dispositifs capables de voir les ondes-radio, les micro-ondes ou les rayons X.
Ce que l’on sait cependant, c’est quels appareils émettent quels types d’ondes.

Me basant sur cette idée, j’ai sélectionné une photo d’une scène de la vie de tous les jours : j’ai choisis une rue à Paris où l’on voit des gens, des voitures, des maisons et la Tour Eiffel :

une photo normale
Ma photo de référence (source)

Ensuite, j’ai modifié la photo manuellement pour avoir une idée de ce qu’un capteur verrait en fonction de la longueur d’onde.

Le résultat assez spectaculaire, donne une bonne idée de ce quon verrait dans les autres gammes d'ondes, et montre que le monde aurait pu être très différent si nos yeux étaient sensibles à autres chose que le domaine visible.

Ondes radio

le monde dans les ondes radio
Les ondes radio sont les ondes les moins énergétiques et avec les longueurs d’ondes les plus grandes (métrique à kilométrique, et même davantage). Ils ne sont absorbés que par les éléments conducteurs. Ainsi, que l’on soit à l’intérieur d’une maison ou sous l’eau dans un sous-marin, les ondes longues arrivent à passer.

Notez que j'ai parlé d'éléments conducteurs et pas des métaux : en effet, certaines ondes radio, comme les ondes AM rebondissent sur la ionosphère terrestre (qui est ionisée et donc conductrice). Ceci augmente la portée de ces ondes bien au-delà de l'horizon : on peut ainsi écouter des stations de radio situées à plusieurs milliers de kilomètres.

Sur la photo, vu que les ondes radio traversent à peu près n’importe quoi, la distinction sol/ciel/bâtiments n’est pas claire. Il serait pratiquement impossible de se repérer avec une caméra en ondes radio : tout ou presque serait transparent.

Le gros point lumineux dans le ciel provient, vous l’avez deviné, de la tour Eiffel : à son sommet se trouvent des dizaines d'émetteurs (pour la télé, la radio…). Quelques autres sources seraient par exemple les talkie-walkie et les « CB » utilisés par les professionnels et les particuliers.
La quantité d’ondes émise par la Tour Eiffel sur la photo masque complètement tout ce qui se passe dans le ciel et l’espace (qui émet naturellement aussi un peu).

Cette gamme de fréquence est très polluée par les activités humaines.

Micro-ondes

le monde dans les micro ondes
Les micro-ondes désignes les ondes électromagnétiques de longueur d’onde centimétriques. Utilisés avec des émetteurs de très haute puissance, elles réchauffent la nourriture dans un four à micro-ondes. Dans des appareils moins puissances, comme nos téléphones ou les box wifi, les ces ondes transportent de l’information.

Wifi, 4G, 3G, WiMax et Bluetooth fonctionnent tous dans le spectre des micro-ondes, à des débits, puissances et portées différentes.

À l’heure où tout le monde a chez soi une « box » internet et un (voire plusieurs) smartphones connectés en 4G ou en Wifi, on comprend donc d’où sortent les points lumineux sur la photo. Si nous voyions en micro-ondes, chaque téléphone serait un point lumineux, y compris si le telephone est caché dans un sac à dos ou une poche. Les points les plus brillants seraient des téléphones en communication.

Les murs en pierre bloquent généralement les micro-ondes. Aussi, les fuites proviennent principalement des fenêtres. Ceux que l’on voit là sont probablement des box Wifi (allumés en permanence).

La trace dans le ciel provient des astres de notre galaxie, qui émettent un peu dans toutes les fréquences.
On remarquera que le fond diffus cosmologique, également dans les micro-ondes, n’est pas visible : il est certes là, partout, mais il est faible. Bien trop pour être visible face à un téléphone 4G ou un appareil Wifi. En revanche, les petites « étoiles » dans le ciel ne sont pas des étoiles mais des satellites de télécommunications : ces derniers émettent pour certaines dans le domaine des micro-ondes.

Infrarouge (IR)

le monde dans les IR
Les rayons IR restent faiblement énergétiques : ils proviennent des molécules qui vibrent. Inversement, les rayons IR peuvent aussi mettre des molécules en vibration. Or, la vibrations des particules est liée à leur température. Par conséquent, si l’on voyait des IR, on verrait quelque chose de très proche de ce que serait de voir la température des objets (inférieurs à ~1 000 °C, car au delà la température des objets donne un rayonnement visible).
Ceci est le principe des caméras infrarouge : elles captent les IR qui sont émis par les éléments chauds ou froids. Généralement, les couleurs d’éléments chauds sont retranscrits en jaune/rouge, alors que les objets froids sont colorisés en violet/bleu.

Sur la photo, les humains sont relativement chauds. Le sol et les murs (au soleil) également. Les zones ombragées, les plantes sont un peu plus froids. Le ciel, en raison de l’effet de serre, absorbe une bonne quantité de l’infra-rouge réémise par le sol (chauffé par la lumière visible et UV du Soleil).
Les vitres et le verre sont eux sombres : ils bloquent les infrarouges.

Dans la nature, les corps chauds (feu, animaux, par exemple) sont des sources d’infra-rouge importants.

Ultra-violet (UV)

le monde en uv
Les UV sont juste au dessus du visible. Ils ne sont pas tellement différents non plus : comme le visible, ces rayons sont principalement émis par les électrons des atomes. Leur énergie plus importante les rendent ionisants et donc dangereux.

Sur Terre, les principales sources UV sont les lampes UV, les tubes fluorescents, les flashs d’appareils photo, les éclairs et arcs électriques, et bien-sûr la lumière solaire.

Sur la photo, la lumière du soleil compose la majeure partie de l’UV que l’on voit. Elle vient principalement du ciel, qui diffuse la lumière.

Aussi, le ciel est bleu parce que le bleu est largement diffusé à travers toute l’atmosphère et nous arrive donc de partout.
Les UV font pareil en encore plus fort: ils viennent de partout et pas uniquement de l’astre solaire. De plus, vu que les UV sont diffusés par l’air, ils sont largement déviés et le monde en UV paraît particulièrement flou.

Rayons X

le monde en rayon X
On continue notre ascension sur l’échelle des énergies des ondes avec les rayons X. Ces derniers sont pénétrants dans les matières peu denses (matière organique, gaz…) mais finissent par être arrêtés par les métaux et les roches.

Ils sont très énergétiques et ont donc besoin de sources très puissantes pour être produites. Néanmoins, ils restent produits par les électrons ou des particules qui se heurtent.

Sur Terre, une infime quantité de rayons X est produite chez vous si vous avez des téléviseurs cathodiques : à cause des électrons très rapides produits par ces appareils, un peu de rayonnement X est également généré.
Des lampes à arc très puissants (ceux des projecteurs cinématographies) produisent également un peu de ces rayons.

Sur la photo, les seuls rayons X visibles proviennent du ciel : une bonne quantité de rayons sont produits par les supernovas et les étoiles massives. Les trous noirs, accélèrent la matière suffisamment pour la faire rayonner dans les X, constituent une source X caractéristique, et sont détectés grâce à ça. Certaines particules très rapides, en étant freinées dans le gaz interstellaire, émettent également des X lorsqu’elles sont ralentis (rayonnement dit « bremsstrahlung »).

Pour cette raison, le ciel luit de rayons X assez diffus, avec les régions centrales de la Voie Lactée plus lumineuse, et certains points également : ce sont des étoiles qui explosent et des galaxies lointaines.

Les bâtiments ne sont presque pas visibles, si ce n’est que la matière émet un petit peu de rayonnement X à cause de particules rapides qui les heurtent et ralentissent (par bremsstrahlung).

ÉDIT : (voir le commentaire de Mathieu) : en réalité, les rayons X (comme les rayons gamma ci-dessous) sont arrêtés par l’atmosphère. Ils ont beau être pénétrants, l’atmosphère est vaste et finit par les filtrer. Le ciel dans les rayons X devrait donc être sombre. Celui pour les rayons gamma devrait l’être également.
C’est pour cela que les télescopes X et gamma doivent être situés en orbite et dans l’espace.

Gamma

le monde en rayons gamma
Les rayons gamma sont les plus énergétiques et hautement pénétrants. Leur énergie est celle du noyau des atomes et ils sont émis par ces derniers, lors des réactions nucléaires et par la radioactivité. On les différencie des rayons X sur ce point plus que sur leur longueur d'ondes : certains rayons X sont plus énergétiques que certains rayons gamma.

Hormis la radioactivité et quelques générateurs dans les labos, il n’y a pas de production de rayons gamma sur Terre. Aussi, ceux que l’on voit sur la photos proviennent du ciel : l’espace est un accélérateur de particules géant.

La bande lumineuse (en gamma) est à nouveau la voie lactée : le rayonnement gamma provient des régions centrales de la Voie Lactée, où se trouve son plus gros trou noir et où la population d'étoiles est la plus dense. On distingue également des points lumineux : ce sont des « sursauts gamma », des étoiles hypergéantes qui explosent ou qui se transforment.

Ces rayons sont si énergétiques qu’une telle explosion stellaire un peu trop près de nous suffirait à anéantir toute vie sur Terre et à balayer l’atmosphère…

Sur le reste de la photo, le sol, les gens et les bâtiments ne sont pas lumineux : ils n’émettent pas de rayons gamma. Seuls les roches granitiques et le sol pourraient luire ou scintiller très faiblement, à cause des désintégrations radioactives naturelle présente dans le sol, et le granite particulièrement.

image d’en-tête de Bopuc

10 commentaires

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Le-Gritche écrit :

Article très instructif, comme d'habitude. Une typo sur la fin : " Aussi, ceux que l’on voit sur oa photos proviennent du ciel".

J'ai creusé un peu pour savoir pourquoi le magma et le métal chauffé commence par le rouge suite à cette phrase : "(inférieurs à ~1 000 °C, car au delà la température des objets donne un rayonnement visible)."

En gros, j'ai compris que le spectre émis empiète sur la bande du visible par le rouge quand la température est trop forte et donc que la matière émet dans ces teintes. L'arc électrique, lui se situe dans le bleu (9000K). Là, par contre, je ne comprend pas mes lectures. Le corps noir n’émettrait que sur la fin du spectre visible côté UV ?

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Sylvain Auclair écrit :

Intéressant. Je me suis toujours demandé de quoi une telle image aurait l'air si on ne faisait qu'élargir la bande du visible, par exemple de 75 à 2000 nm, (c'est-à-dire en ajoute les UVA et l'infrarouge proche), avec tout le visible écrasé du jaune au vert, par exemple.

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Mathieu écrit :

Visuel sympa et pédagogique.
Par contre l'atmosphère est complètement opaque aux gamma, rayon X. Toutes les observations dans ces gammes d'énergies se font depuis l'espace pour cette raison.
En gamma on aurait par contre la radioactivité naturelle qui serait visible. On verrait par exemple particulièrement les murs en granits et un fond diffus au niveaux du ciel du aux rayons cosmiques.

Mathieu

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guzz écrit :

Passionnant !
Merci pour cet article

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Le Hollandais Volant écrit :

@Mathieu : je viens d’ajouter une note, tu as raison.

@Le-Gritche :

Là, par contre, je ne comprend pas mes lectures. Le corps noir n’émettrait que sur la fin du spectre visible côté UV ?

Tous les corps chauffés émettent sur tout le spectre (de façon continu). Juste, l’émission n’est pas uniforme sur tout le spectre. La température d’un corps ne détermine pas la longueur d’onde émise, mais la longueur d’onde pour laquelle il y a le plus d’émission.

Un corps chauffé à ~1 000 °C devient rouge/orange : car c’est cette bande de couleur qui est la plus émise. Mais il y a aussi [beaucoup] d’infrarouge, du jaune, du vert, du bleu, des UV.

Voir ça : https://fr.wikipedia.org/wiki/Rayonnement_du_corps_noir#/media/File:Black_body.svg

On voir qu’à 5 000 K, l’essentiel de l’émission se fait dans le visible, avec le pic situé dans le jaune.
À 4 000 K, on retombe dans l’infrarouge : le rayonnement est chauffant. 4 000 K c’est au delà de 3 700 °C, et c’est donc largement au delà de la fusion de beaucoup de métaux : à ces températures, ils sont tous « chauffés à blanc ». Le pic a beau être dans l’IR, les autres longueurs d’ondes sont bien présentes et la partie visible forme, en somme, du blanc.

Pour un corps à 1 300 K, le pic est toujours dans l’IR, mais la partie qui se trouve dans le visible est alors essentiellement du rouge/orange, avec une quantité de bleu/vert qui est très minoritaire. L’acier chauffé à 1 300 K (ou ~1 000 °C) est donc rouge.

Il faut donc dissocier le "pic" (longueur d’onde la plus émise), qui elle est déterminée par la loi de Wien sur le rayonnement du corps noir, et le spectre dans son ensemble, qui lui détermine ce que l’on voit (et dont la somme n’est pas forcément centrée sur la longueur d’onde la plus émise).

À noter aussi que, et quelque soit la température, le "pic" n’est pas symétrique : les longueurs d’ondes courtes (bleu, UV, X…) décroissent très vite, alors que longueurs d’ondes courtes (IR principalement) décroissent bien plus lentement.

Ainsi, pour un corps chauffé à, disons 1 500 °C, l’IR total sur tout le domaine des IR est majoritaire : le corps rayonne donc beaucoup de chaleur. C’est le cas d’une ampoule à incandescence : le filament chauffe à 1 500~2 000 °C et paraît blanc. Pourtant, les IR représentent 90 % de l’émission de rayonnement et l’ampoule dissipe 90 % de l’énergie en chaleur et seulement 10 % en lumière. Alors que les LED, elles, c’est plutôt l’inverse : 90 % de lumière et très peu de chaleur. Une LED qui consomme 9x mois émettra autant de lumière mais nettement moins de chaleur : c’est pour ça qu’elles sont bénéfiques sur la consommation électrique.

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Le-Gritche écrit :

Et donc ce lien expliquerait la couleur de l'arc électrique à 9000K.

Merci pour tes "éclaircissements". ;)

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Sick écrit :

Comment tu fait ces effets pour representé les spectre ? c'est impressionnant !

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Le Hollandais Volant écrit :

@Sick : J’utilise juste un logiciel de dessin (The GIMP en l’occurrence). Mais tout est manuel, il n’y a pas de filtre spécial pour faire ça ^^

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Serendipity écrit :

Merci beaucoup pour votre article : j’aime beaucoup votre façon de « simplifier » un ensemble de notions qu’on n’a pas l’habitude d’associer sur une seule image.

Dans les sources de rayons gamma on peut peut-être (hélas) ajouter les bombes nucléaires, bien que leur origine ne soit pas naturelle.

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Le Hollandais Volant écrit :

@Serendipity : On aurait pu, oui, mais il n’y a plus eu d’explosion nucléaire depuis longtemps (hormis la Corée du Nord).
Ensuite, la quantité de débris émise est inférieure au niveau gamma naturel (radioactivité du sol). L’essentiel aujourd’hui provient de l’espace, et est en bonne partie bloquée par l’atmosphère ; et c’est pour ça qu’on subit une bonne dose de rayonnement quand on prend l’avion, par exemple.


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