Une des questions qui m’a longtemps laissée perplexe, c’est celle de savoir comment les océans peuvent s’évaporer à température ambiante pour former des nuages alors que l’eau ne bout qu’à partir de 100 °C.
Il y a pourtant une réponse très simple à cette question : l’eau entre en ébullition à 100 °C (à pression ambiante j’entends), mais les nuages se forment grâce à l’évaporation, pas forcément l’ébullition. Ces deux phénomènes ne sont pas la même chose.
En effet, l’évaporation a lieu pour n’importe quelle température. L’ébullition, quant à elle, n’a lieu qu’à partir d’un certain seuil de température.
L’évaporation
Lorsque l’on laisse un verre d’eau sur la table, certaines molécules d’eau vont se détacher de la surface du liquide et passer dans l’air. Ces molécules sont alors à l’état de gaz. Il s’agit d’un moyen pour l’eau d’équilibrer sa pression : en surface, la molécule ne subit la pression de l’eau que par en dessous, pas au-dessus. L’air sec exerce une pression égale à celle de l’eau, mais elle reste capable d’absorber de l’eau : la molécule d’eau peut donc passer du liquide à l’air.
Ce phénomène a lieu tout le temps, et si on attend suffisamment longtemps, chaque molécule d’eau du verre passera dans l’air et tout l’eau sera évaporée :
Si on place ce verre dans une enceinte fermée, de l’eau continuera toujours de se détacher de la surface pour entrer dans l’air. Or comme l’enceinte est fermée, certaines molécules gazeuses de l’eau, privée de leur possibilité de s’échapper pour de bon, finiront par retourner sur la surface du liquide et par redevenir liquide :
Au fur et à mesure de ce processus, il arrivera un stade où le flux de molécules liquides passant à l’état de gaz sera égal au flux de molécules d’eau gazeuse passant à l’état de liquide. C’est donc comme si l’air avait atteint sa contenance maximale en eau. L’on dira de l’air — qui ne peut pas accueillir davantage de molécules d’eau — qu’elle est saturée, et de l’eau dans l’air qu’elle aura atteint sa pression de vapeur saturante (la proportion revenant à l’eau gazeuse de la pression totale dans l’enceinte a alors atteint son maximum). L’air ne peut pas absorber davantage d’eau.
Le système sera dans un état d’équilibre : bien qu’il y aura toujours du mouvement parmi les molécules d’eau, les quantités totales d’eau dans l’air et dans le verre resteront inchangées au fil du temps.
Tout comme un pneu crevé se dégonfle tant que la pression à l’intérieur est plus importante qu’à l’extérieur, de l’eau continue de s’évaporer tant que la pression de l’eau est plus importante que la pression de vapeur saturante. Au-delà on se retrouve dans un équilibre et il n’y a plus de « fuite » de vapeur du liquide vers le gaz.
Maintenant, si on chauffe l’enceinte (ie : si on y injecte de l’énergie) alors davantage de molécules auront assez d’énergie pour devenir gazeux. L’équilibre précédent sera déplacé et davantage de molécules s’évaporeront, jusqu’à ce que le contenu de l’enceinte atteigne un nouvel état d’équilibre :
On remarque ici que si l’on chauffe l’enceinte (constituée du verre d’eau et de l’air à l’intérieur) l’air va contenir plus d’eau qu’avant. À l’inverse, si j’avais refroidi l’enceinte, le nombre de molécules se détachant du liquide diminuerait et deviendrait inférieur au nombre de molécules d’eau qui quittent l’air pour l’eau. En refroidissant, l’air contiendra donc moins d’eau.
Une hypothèse ici donc que plus l’air est chaud, plus il peut accueillir d’eau. Une façon plus scientifique de la formuler est que la pression de vapeur saturante dépend de la température.
Cette hypothèse est vraie, et c’est pour cela que nos vêtements sèchent plus rapidement quand il fait chaud : l’eau s’évapore plus rapidement.
Il y a néanmoins une limite à cette logique. Cette limite se situe au cas où la pression de vapeur saturante dépasse la pression du liquide. Et c’est ici que les choses deviennent intéressantes car c’est ce qui se passe dans une casserole d’eau que l’on cherche à faire bouillir !
Quand la pression du liquide est supérieure à la pression de vapeur, il ne peut se créer de bulles : celles-ci seraient recompressées en liquide. Le passage de l’état liquide à l’état gazeux ne peut se faire qu’à la surface : c’est le seul endroit où une molécule d’eau gazeuse n’est pas entourée d’eau de tous les côtés.
L’ébullition
À la température d’ébullition, la pression de vapeur saturante de la vapeur d’eau et la pression du liquide sont égales.
La hausse de température ayant également rehaussé la pression de vapeur saturante. Maintenant, une bulle qui se forme dans l’eau n’est plus forcément recompressée en liquide : elle peut exister. Elle va simplement remonter à la surface par gravité : l’eau bout.
Ces bulles ne contiennent évidemment que de l’eau sous forme gazeuse (et non pas de l’air). Cette formation de bulle constitue le moyen qu’a l’eau pour évacuer la grande quantité de chaleur apportée par votre plaque chauffante.
La température pour laquelle la pression de vapeur saturante atteint puis dépasse la pression ambiante du liquide, est appelée température d’ébullition.
On remarquera que si la pression ambiante diminue, alors la température que l’on doit atteindre pour que la pression de vapeur saturante la dépasse est moins importante. C’est ce qui se passe en altitude : comme la pression atmosphérique est plus basse, on peut y faire bouillir de l’eau à 60 °C.
À l’inverse, dans une cocotte minute, on maintient de force une pression très importante : la température à atteindre est plus grande, et l’eau y rester liquide jusqu’à 120 °C (permettant de cuire plus rapidement vos légumes).
Et les océans ?
Avec tout ceci l’on comprend la différence entre l’évaporation et l’ébullition : la première se fait tout le temps, la seconde se produit quand la température est suffisante pour que la pression de vapeur saturant (qui dépend de la température) dépasse la pression du liquide.
Même en dessous de la température d’ébullition, de l’eau liquide passe dans la phase gazeuse : c’est l’évaporation. Ceci se produit tant que l’air n’est pas saturé en eau. Le niveau de saturation augmente avec la température (plus l’air est chaud, plus il peut contenir d’eau).
L’évaporation des océans est donc favorisée dans les régions chaudes. Sur le linge qui sèche dehors, elle est également favorisée quand il vente : le vent apporte constamment de l’air sec, donc ayant la capacité d’accueillir plus d’eau que l’air déjà humide.
Enfin, notons que quand l’eau passe dans l’air, une molécule d’eau étant plus légère que les molécules de diazote et de dioxygène, la densité moyenne de l’air diminue : l’air humide s’élève dans le ciel, aspirant de l’air sec en dessous. Ceci crée un courant d’air chaud ascendant. Ceci est responsable de la formation d’orages (en produisant des différentiels de températures et d’humidité) et de cyclones dans les cas extrêmes.