un moteur V-8
D’habitude, j’explique des concepts scientifiques en allant au plus simple, quitte à ne pas tout détailler. Ici, je vais au contraire détailler volontairement un peu plus, parce que ça me semble intéressant.

Dans « moteur thermique » on trouve « moteur », qui signifie qu’on produit un travail mécanique et « thermique », qui signifie que ledit travail est produit grâce à de la chaleur. Cette chaleur est habituellement produite par la combustion d’un carburant, comme c’est le cas dans un moteur de voiture.

Travail et chaleur, en physique, sont deux composantes un peu opposées de l’énergie qu’un objet peut céder. La chaleur en elle-même ne permet pas de produire le mouvement d’une voiture : si vous placez une voiture au dessus d’un feu, elle ne se mettra pas à avancer. Le moteur permet de faire quelque chose avec cette chaleur qu’une bougie ou un lance-flamme ne permet pas. C’est ça que je vais détailler ici.

Pour comprendre, il faut aller au niveau atomique. Quand on chauffe quelque chose, on accélère des molécules :

passage de froid à chaud
Le mouvement initial des molécules est désordonné : le chauffer le désordonnera encore plus vite. Si on additionne tous ces vecteurs (les flèches, en gardant les orientations), on se rend compte qu’on n’a finalement pas beaucoup changé de place. Dans un vrai gaz comme l’air, avec des milliards de molécules, la somme de toutes les vitesses de chaque molécule est nulle. Si on chauffe, la vitesse augmente pour chaque molécule individuelle, mais globalement, ce n’est pas ça qui va créer un déplacement : l’air sera plus chaud mais ne se déplacera pas. C’est pour ça qu’une voiture roulant sur du feu n’ira pas plus vite.

Chauffer quelque chose n’apporte donc rien et ne fera pas tourner un moteur ni avancer la voiture. Pourtant c’est bien ça que l’ont fait : on brûle du carburant pour chauffer du gaz. Et en pratique, cela marche bien. Alors pourquoi ?

En fait, on utilise bien le fait que les molécules vont plus vites, car cela implique autre chose : les molécules se déplaçant plus vite, les chocs inter-moléculaires sont plus violents. Même chose pour les chocs des molécules sur les parois de leur enceinte : c’est ce qu’on appelle la pression. En chauffant, les molécules exercent plus de force sur toute la surface de l’enceinte (le piston et le cylindre) : le gaz exerce une pression plus importante, et on va se servir de cela :

piston qui se déplace
La pression augmentant, la force exercée sur le piston augmente aussi, et ce dernier va se déplacer.
Le gaz dans le cylindre va pouvoir occuper plus d’espace disponible et il y a un mouvement global des molécules, vers la droite sur l’image.

Si on regarde la mouvement des molécules, la somme des vecteurs initiaux est nulle (vecteurs rouges), mais le déplacement grâce au mouvement du piston (vecteurs verts) lui n’est pas nul : il est positif. Et là, on a gagné : ce mouvement du gaz est unidirectionnel et c’est ce que l’on veut : de la matière qui se déplace dans un sens donné.

Le piston qui bouge, c’est un mouvement uniforme d’un bloc de matière. La voiture qui avance, c’est également le mouvement uniforme d’un bloc de matière. Il suffit ensuite seulement d’un jeu de bielles, d’engrenages et de courroies pour transposer le mouvement du piston aux roues et faire avancer la voiture.

Pour maintenir le fonctionnement du piston, il suffit simplement d’alterner compressions et détentes du gaz : ceci est réalisé en chauffant puis en refroidissant le gaz. Dans un moteur de voiture, une petite partie de l’énergie du moteur sert à entretenir tout ce mouvement : le moteur arrive lui-même à faire alterner l’échauffement (étape de combustion) et refroidissement (étape d’échappement du gaz chaud et d’admission du gaz froid), comme vous le voyez sur cette animation.

Notez que dans certains moteurs, il n’y a pas d’échappement : le gaz dans le système n’est pas renouvelé. Il est alors répétitivement refroidit et échauffé, comme dans le moteur de Stirling.

Tous les moteurs thermiques fonctionnent sur le même principe d’un piston (ou une turbine) entraînée grâce à une différence de pression obtenue par une différence de température. Le point important est donc la différence de température à deux endroits différents du moteur. Ceci est particulièrement notable pour le moteur de Stirling : il est possible de faire tourner un moteur de Stirling uniquement avec de la glace et de l’air ambiant (la différence de température étant ce qui importe et il est ici suffisant à entraîner le moteur).

image d’entête d’Alexandre Canina

5 commentaires

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qwerty écrit :

Donc le moteur de stirling peut marcher sans carburant, mais uniquement par difference de température ? Pourquoi il est pas plus utilisé pour la production electrique ? Mauvais rendements ?

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Le Hollandais Volant écrit :

La différence de température doit quand même être assurée par quelque chose. Un moteur de Stirling placé au soleil sur une pile de glace va tourner tranquillement durant plusieurs heures.
Mais une fois le soleil couché, ou la glace fondue, il tournera moins vite.

Il faut savoir aussi que le moteur de Stirling remue de l’air : il y a détente lorsque l’air est en contact avec la plaque chaude (le moteur de la vidéo à la fin de l’article) et contraction quand il est en contact avec la plaque froide. Sauf que les réactions de détente et de compression consomment et libèrent respectivement de la chaleur. Du coup, le fonctionnement même du moteur fait que la plaque chaude refroidit et la plaque froide se réchauffe. Du coup, la différence de température diminue et donc le rendement du moteur également.

Le moteur de Stirling est peu utilisé car il est pas assez puissant. On peut en créer de plusieurs formes (moteur de Stirling Alpha, Beta, Gamma…) avec le même fonctionnement, et certains sont alimentés par une flamme ou par du charbon (le tout premier, construit par le Révérend Stirling au début du XIX était alimenté par du charbon, je crois).

Les usages actuels sont plutôt positifs : certaines voitures pourraient l’utiliser comme moteur de récupération de chaleur perdu (toute la chaleur qui sort du pot d’échappement est perdue).

Fait intéressant aussi : si on place un moteur de Stirling au soleil, il fonctionnera : la chaleur du soleil suffit à chauffer un côté. Le rendement est alors *beaucoup* plus important qu’un panneau photovoltaïque.

Le seul soucis de ces moteurs, ce sont les parties mobiles qui s’usent et demandent de l’entretient, ce qui est à l’avantage des panneaux solaires.

Mais sinon oui, il est possible de les utiliser pour faire du courant, et ça se fait : http://fr.wikipedia.org/wiki/Moteur_Stirling#Utilisation

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lgo écrit :

Et finalement, une centrale nucléaire aussi fonctionne bêtement sur le principe du moteur thermique, nan? On utilise l'énergie thermique dégagée par la réaction de fission pour faire chauffer (évaporer) de l'eau qui entrainera un piston qui a son tour entrainera une dynamo. Finalement, c'est un peu compliqué de transformer efficacement l'énergie thermique...

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Le Hollandais Volant écrit :

@lgo : tout à fait, sauf que l’eau entraine directement la dynamo (turbine).

En fait, la chaleur du cœur est évacué par un courant de sodium fondu dans une tuyauterie (circuit primaire, se trouvant avec le cœur dans une enceinte confinée) qui va dans une cuve d’eau (circuit secondaire). Cette eau est chauffé et c’est elle qui passe sur les turbines.
On n’envoie pas directement l’eau sur le cœur pour éviter le contact direct avec la matière radioactive.

Une fois sortie des turbines, cette eau est refroidie avec un circuit de refroidissement à eau. Ce circuit de refroidissement puise son « froid » dans l’air, au niveau des grandes tours en béton qu’on voit : ce qui s’en échappe n’est que de la vapeur d’eau. Et cette eau de refroidissement est souvent puisée (et rejetée) dans une rivière voisine.

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John Doe écrit :

sodium ? Il doit y en avoir 4 au monde.

Il me semble que pour toutes les autres centrales le circuit primaire c'est de l'eau (pour les REP, dans une cuve à environ 150bars et 300°C, pour Fukushima c'était du REB chaud et bouillant) qui passe dans un générateur de vapeur, puis circuit secondaire, ... , puis turbine, ...

L'expérience sodium, en France, c'était Phénix et SuperPhénix et cela n'a pas bien marché.


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