
Parmi les substances très froides, l’azote liquide est une référence : il présente une température de −196 °C, ce qui est suffisant pour réaliser toute sorte d’expériences, et même de la cuisine (crème glacée instantanée, par exemple).
Mais alors d’où provient ce froid ? Comment reste-t-il à cette température si basse sans se réchauffer ?
Une question de chaleur latente
La réponse à ces deux questions réside dans la chaleur latente de changement d’état.
Quand on chauffe un corps quelconque, par exemple de l’eau, la chaleur apportée va en élever la température. Chauffer de l’eau à 20 °C va ainsi la faire monter à 60 °C. Si l’on chauffe encore, la température monte de nouveau, jusqu’à 100 °C. Lorsque l’eau atteint 100 °C, elle bout.
C’est à ce moment qu’il faut comprendre ce qui se passe : si l’on continue de chauffer de l’eau bouillante, la température n’augmentera pas : l’eau restera à 100 °C. À la place, l’énergie que l’on y injecte en chauffant va provoquer le changement d’état, et non une élévation de température.
On peut chauffer autant que l’on veut : tant qu’il restera de l’eau liquide, la température de l’ensemble restera à 100 °C. Toute la chaleur apportée à notre eau sera consommée exclusivement pour changer l’état de l’eau, provoquant la vaporisation.
La chaleur que l’on apporte à notre eau, mais qui ne modifie pas la température (seulement l’état, liquide ou gazeux), est appelé « chaleur latente ».
Une fois que toute l’eau sera en phase gazeuse, là, de nouveau, la chaleur apportée provoquera un échauffement. Aussi, ceci est valable si l’eau est dans un contenant ouvert, permettant la vapeur de se dégager (voir plus bas).
Et pour l’azote liquide ?
Pour l’azote liquide, on a la même chose, sauf que ça ne se passe pas à +100 °C comme pour l’eau, mais à −196 °C.
Par conséquent, lorsque l’on a créé de l’azote liquide très très froid (grâce à un frigo très très puissant), il va se réchauffer au contact de l’air ambiant. Cet échauffement bloquera à −196 °C, sa température d’ébullition. L’azote va se transformer en gaz, et tant qu’il restera du liquide, il ne gagnera pas en température. Ce ne sera qu’une fois que tout se sera évaporé que le gaz pourra monter jusqu’à la température ambiante.
La chaleur apportée par l’air ambiant provoque le changement d’état du liquide mais ne le réchauffe pas : c’est de la chaleur latente. L’azote dans son état liquide ne peut exister au dessus de −196 °C. Si l’on atteint cette températures suite à un apport de chaleur, cette chaleur provoque uniquement le changement d’état.
C’est pour cela que ça reste froid. Et votre azote liquide reste froid d’autant plus longtemps que vous limiterez les transferts thermiques de l’air ambiant vers l’azote, par exemple dans une bouteille thermos.
Quelques remarques
Premièrement, les températures de changement d’état sont données pour quand on est à pression atmosphérique normale. Si l’on abaisse la pression, le changement d’état varie. L’eau peut ainsi bouillir à 60 °C, ou même 20 °C sous des pressions très basses.
De plus, l’azote liquide est froid parce qu’on le laisse s’évaporer. Le changement d’état est une réaction endothermique : elle absorbe de la chaleur, c’est ce qui la maintient froid. Si l’on enferme l’azote liquide dans une bonbonne fermée, la pression va monter et l’évaporation va s’arrêter. La réaction de changement d’état ne pouvant plus se produire, elle ne peut plus capter la chaleur, et l’ensemble va atteindre la température ambiante.
Si l’on ouvre la bonbonne, la pression va redescendre, plus rien n’empêche l’azote liquide de bouillir. L’ébullition provoque le changement d’état, endothermique, et le liquide va de nouveau refroidir.
Deuxièmement, les fumerolles que l’on voit quand l’azote liquide bout n’est pas de l’azote gazeux : l’azote est invisible. En réalité, l’azote liquide est si froid qu’il gèle l’humidité de l’air et forme des micro-cristaux de glace. Ce que vous voyez ce sont donc des micro-cristaux de glace en suspension dans l’air : autrement dit, du nuage.
Enfin, l’azote liquide n’est pas le seul produit utilisé pour produire du froid. De façon plus courante on trouve ainsi la glace carbonique : c’est du dioxyde de carbone à l’état solide. Ce dernier reste à −79 °C tant qu’il n’a pas totalement été transformé en gaz. Ici, la glace carbonique ne fond pas mais se sublime : elle passe directement de l’état solide à l’état gazeux, sans passer par une phase liquide. Le principe est le même, et cela se produit donc à −79 °C.
On peut aussi utiliser de l’hélium liquide, qui lui bout à −269 °C, soit 4 °C au dessus du zéro absolu ! Ce dernier étant cher à produire, il n’est utilisé que dans les domaines de recherche qui ont vraiment besoin de ces températures. On préférera utiliser, là où c’est possible, l’azote liquide, qui est bien moins rare et moins cher.