En chiffres romains, le quatre se note habituellement « IV ». Pourtant, il n’est pas du tout rare de voir des cadrans d’horloge ou de montres dont les chiffres sont en chiffres romains avoir le quatre écrit « IIII ».
Ceci semble d’autant plus curieux que cette particularité ne se rencontre que sur les cadrans de montre.
D’où vient cette différence ?
Une question historique
Le 4, est noté « IIII » depuis l’antiquité, chez les Égyptiens et les Romains notamment : c’est la méthode la plus simple pour compter, y compris par les personnes non-éduquées.
Sa version « IV » n’est apparue qu’à partir du Moyen Âge.
Sur les premières horloges, qui étaient des cadrans solaires façonnés par les astronomes, il était également considéré de mauvais goût, pour ne pas parler d’hérésie ou de blasphème pour l’époque, que d’employer un « IV » sur un cadran solaire.
IV était alors l’abréviation de IVPPITER, ou IUPITER, soit Jupiter, le père de tous les dieux dans la mythologie romaine.
… d’esthétique…
Les horloges sont des pièces de précisions, chères à produire et généralement ornementés de sculptures en bois, en métal ou en verre. Autant de domaines artistiques. Il est alors d’usage de rechercher un certain équilibre artistique dans la confection du cadran. Il en va de l’esthétique final de la pièce.
Sur un cadran de montre, on se rend compte que les chiffres XII et VIII sont excessivement « lourds » en termes de nombre de traits. Ce n’est pas un problème en soi, mais cela provoque un déséquilibre : les deux chiffres lourds sont dans le deuxième et le troisième tiers du cadran, laissant le premier tiers dénudé devant les autres.
Si maintenant on utilise un « IIII » à la place du « IV », on augmente le nombre de traits dans cette zone nue et l’on rééquilibre le 4 avec le 8 et le 12.
De plus, si l’on coupe le cadran en deux sur le sens de la hauteur du 12 au 6, on obtient désormais 14 symboles de chaque côté, ce qui augmente un peu plus la notion de symétrie.
Par ailleurs, on obtient également trois zones : la première exclusivement composée de I, la seconde seule à posséder des V et la dernière seule à avoir des X.
On comprendra alors pourquoi l’inverse est fait avec le 9, qui est lui bien écrit « IX » et non « VIIII » : à nouveau une question d’équilibre et de symétrie.
… de lisibilité…
En utilisant IIII au lieu de IV, on augmente également la lisibilité : en effet, le bas du cadran n’est alors plus sujet à une symétrie trompeuse autour du 5, où l’on risquait d’avoir VI d’un côté et IV de l’autre.
Il est évident que le 4 se trouve à droite du 5, et le 6 à gauche, mais la lecture n’en est que plus confuse tout de même.
De plus, sur certains cadrans, les chiffres sont tournés vers l’intérieur, ce qui aurait encore plus rendu confus l’usage des VI et IV, alors écrit à l’envers.
Avec un IIII écrit tel quel, la confusion est levée quel que soit le sens de l’écriture.
Et l’on n’a que rarement envie de passer du temps à essayer de lire le cadran d’une pendule. L’heure doit pouvoir se lire en un coup d’œil, et pour ça, la lisibilité des symboles doit absolument être dépourvue d’une quelconque ambiguïté.
… et de pratique
Certaines sources parlent de plus d’une raison technique à ceci.
Avec un cadran où le 4 est écrit « IIII », le cadran dans son ensemble comporte alors :
- vingt « I »
- quatre « V »
- quatre « X »
Ceci est intéressant dans la mesure où il suffit d’avoir un moule, un emporte pièce ou un gabarit avec cinq I, un V et un X, et de l’utiliser exactement quatre fois : on obtient alors tous les éléments nécessaires pour faire un cadran entier avec un petit outillage.
Si l’on avait utilisé le « IV », alors le cadran aurait eu :
- dix-sept « I »
- cinq « V »
- quatre « X »
Dans ce cas-là, pour avoir un nombre de pièces exact pour un cadran, il faut utiliser un grand gabarit avec tous les éléments d’un seul coup, ou alors plein de gabarits unitaires. Il n’est en effet pas possible de factoriser 17, 5 et 4.
Conclusion
Il y a beaucoup de raisons qui font que l’usage du IIII est préféré au IV : historique, religieux, pratique, de lisibilité et d’esthétique.
Toutes ne sont pas forcément avérées et certaines juste des hypothèses logiques, mais toutes s’accordent pour une préférence du IIII.
Terminons cependant sur le fait que toutes les horloges et tous les cadrans ne respectent pas ceci. Il s’agit donc plutôt d’une tradition chez les horlogers que d’une règle absolue. Un exemple assez notable est le cadran de Big Ben (la tour Elizabeth) : son quatrième chiffre est en effet écrit « IV ».