Des couleurs de peinture sur un plateau.

Cet article fait partie d’une série d’articles sur les différentes façons de représenter une couleur.

Les couleurs sont l’expression par le cerveau de l’énergie1 portée par les ondes électromagnétiques reçues par l’œil. On parle aussi de la longueur d’onde. Si les longueurs d’onde sont une réalité physique, les couleurs en revanche sont là uniquement dans notre tête.

Qui plus est, les couleurs que nous connaissons (rouge, bleu, jaune, etc.) ne sont l’expression que d’une toute petite portion de toute la gamme des longueurs d’onde possible. Les longueurs d’ondes peuvent être très longues (ondes radio, micro-ondes), ou très courtes (rayons X, rayons gamma). La plage des ondes visibles est une petite fraction de tout ce qui se trouve entre les deux.

La perception de ces ondes lumineuses est assurée par l’œil, et plus précisément par des cellules situées au fond de l’œil : les cônes et les bâtonnets. Les bâtonnets servent essentiellement pour capter les niveaux de luminosités (essentiellement quand la luminosité est faible, la nuit par exemple). La perception des couleurs est elle assurée par les cônes.

Sur un œil humain « normal », on trouve trois types de cônes, sensibles respectivement aux longueurs d’onde longues (du rouge), moyennes (du vert) et plus courtes (du bleu). Ceci est une représentation simplifiée des choses : en réalité, les cônes captent toutes les longueurs d’onde, c’est juste qu’il en capte mieux certaines (les longues, moyennes ou courtes) que le reste.

Le fait de parler des couleurs fondamentales que sont le rouge, le vert et bleu, commence ici. Il s’agit des couleurs de la lumière qui nous arrive et celles auxquelles nos cônes répondent le mieux.

Pourquoi représenter une couleur ?

Lorsque l’on parle de rouge ou de bleu, en supposant une perception des couleurs dite « normale », on se représente très bien ce que c’est. Cela suffit ainsi pour comprendre « le ciel est bleu » ou « cette fleur est rouge », et s’imaginer la scène ou l’objet de la discussion.

Maintenant, lorsque l’on commence à parler technique, informatique, couleurs commerciales (pour une marque : le « rouge Coca-Cola » par exemple), ou standardisées (le bleu du drapeau français n’est pas le bleu du drapeau luxembourgeois par exemple), il faut être un peu plus précis que simplement « rouge » ou « bleu ».

Il a donc fallu mettre au point des systèmes de représentation des couleurs. Il en existe plusieurs. Il en existe un très grand nombre, à vrai dire.

La plus simple consiste à se servir d’un nuancier : une plaquette avec des taches colorées numérotées, ou nommées. En donnant à tout le monde la même plaquette, et en référant au numéro ou au nom de la couleur, tout le monde sait de quoi on parle. C’est le but des nuanciers standardisés, par exemple du nuancier Pantone® :

Photo d’un nuancier Pantone®.
Un exemple de nuancier, ici, Pantone® (image)

Les nuanciers Pantone® sont une référence mondiale (mais pas une norme ISO). Ils sont utilisés dans beaucoup d’endroits, mais ils coûtent très cher et peuvent s’user ou s’abîmer. De plus, on ne peut pas utiliser un nuancier physique (l’objet lui-même) dans une télé, par exemple, quand il s’agit de transmettre des couleurs dans le signal de votre récepteur multimédia.

Que ce soit pour la télé couleur, ou encore pour l’encodage des couleurs dans un JPEG, dans la vidéo H264 en HD, il faut un système un peu moins matériel, et un peu plus abstrait et mathématique pour représenter une couleur. Par exemple une représentation comme rgb(255, 0, 0) pour dire « rouge ».

Cette représentation, rgb(255, 0, 0), est écrite dans la représentation RGB. Il existe plein d’autres représentations, qui ont toutes leurs spécificités et leur origine. Le présent article se focalise sur ce format-ci qui utilise RGB, ainsi que son complémentaire, le CMY. D’autres formats sont décrits dans les autres articles de cette mini-série d’articles.

Les espaces trichromatiques cartésiennes

Nos yeux, je l’ai dit plus haut, utilisent des cellules appelées cônes qui sont sensibles au rouge, vert ou bleu. Cette sensibilité n’est pas exacte, mais cette trichromie est pratique : avec seulement trois récepteurs, et selon le niveau d’excitation de chacun d’entre-eux, on peut voir des milliers de couleurs différentes, même des millions !

On peut représenter ces trois couleurs dans un espace vectoriel (un repère) muni de trois coordonnées orthonormées : chaque couleur y est représentée à l’aide d’un triplet de coordonnées — les composantes trichromatiques. Dans un tel repère, la distance à l’origine représente la luminosité de la couleur et la direction sa couleur.
Cette façon d’utiliser un espace vectoriel et des coordonnées est la raison pour laquelle on parle d’espace de couleur :

Représentation cartésienne RGB.
Représentation dans un repère spatial de l’espace de couleurs RGB. Chaque composante R, G, B correspond à une coordonnée (source)

Utiliser juste trois valeurs pour représenter une couleur quelconque est quelque chose d’utilisé dans la plupart des espaces de couleurs.

La trichromie rouge-vert-bleu

Cette trichromie est utilisée depuis la photographie couleur : on utilise des filtres sensibles au rouge, au vert et au bleu, pour capter puis restituer une image en couleur. Lorsque plus tard sont apparues les systèmes d’affichage numérique, on a conservé ce système : nos écrans utilisent ainsi des sous-pixels, qui sont rouges, vert et bleus.

La couleur d’un pixel est déterminée par le niveau d’excitation de chaque sous-pixel, qui peut être plus ou moins excité. Si dans la vie de tous les jours on parlerait de pourcentage d’excitation, dans le monde numérique fait d’octets, l’échelle va de 0 à 255. La raison est que 255 c’est le nombre de valeurs qu’il est possible de stocker sur un seul octet

Prenons une couleur, par exemple une couleur appelée « Orange Vif » dans les nuanciers Afnor. Sa représentation en pourcentage de rouge, vert et bleu serait 80 % de rouge, 45 % de vert, 10 % de bleu. Sur une échelle de 0 à 255, la même couleur devient rgb(203, 115, 26), « rgb » correspondant à red-green-blue, soit rouge-vert-bleu en anglais.

Cette notation RGB, que vous connaissez peut-être, permet de choisir 256 valeurs pour chacune des trois couleurs fondamentales (255, ainsi que le 0). Au total, on a donc 256³ = 16 777 216 de couleurs (16 millions de couleurs).
Le système RGB est utilisé pour choisir des couleurs dans des pages web, mais aussi dans Paint, GIMP, Photoshop, Word.

Nos écrans et ce système RGB sont donc faits pour décrire 16 millions de couleurs.

Le format hexadécimal

On trouve aussi la version hexadécimale du RGB.

Ce système de couleur est exactement le même, c’est juste que les nombres de 0 à 255 sont représentés non plus en base 10 mais en base 16. Les nombres vont donc de 00 à FF. Notre orange-vif est noté #CB731A, où le CBhex = 203déc, 73hex = 115déc et 1Ahex = 26déc.

Le système HEX et le système RGB sont identiques : on peut convertir d’un schéma à l’autre simplement en convertissant de la base 16 à la base 10. J’explique comment convertir dans mon article : le système binaire et l’hexadécimal.

L’utilisation de l’un ou l’autre dépendra de l’implémentation ou de la préférence de l’utilisateur. Il n’y a pas différence entre les deux.

Notes supplémentaires

On peut parfois rencontrer la notation RGBa. Le « a » correspond alors au canal alpha, qui est le nom donné au canal de la transparence. Parfois, quand on fait de la retouche photo par exemple, on peut juste appliquer comme un film transparent de couleur par-dessus une partie de l’image. Dans ce cas on utilise une couleur transparente. Le « a » correspond au niveau de transparence. Il s’agit toujours seulement de RGB.

On rencontre parfois aussi le sRGB : il s’agit d’un standard utilisant le RGB. Il s’agit de définir exactement quel rouge, quel vert, et quel bleu l’on utilise et l’on doit restituer. Ces couleurs de références sont issues d’un autre standard, la CIE XYZ, que l’on verra plus tard.

Sur un écran, les couleurs sont obtenues grâces aux matériaux utilisés pour faire ces pixels : des luminophores sur les vieux écrans, ou des cristaux liquides sur les écrans LCD, ou encore de minuscules diodes électroluminescentes colorées dans les écrans OLED.
Ainsi, si deux écrans utilisent des cristaux liquides un peu différents, le RGB ne s’affichera pas de manière identique. Un correctif devra être appliqué de façon logicielle pour que le rendu des couleurs s’approche du sRGB et que l’utilisateur puisse contempler les couleurs correctes.

La trichromie cyan-magenta-jaune

Si nos écrans utilisent du rouge, vert, bleu, nos imprimantes ainsi que les peintres utilisent le cyan (le bleu primaire), le magenta (le rouge primaire) et le jaune primaire. Ceci est parce que les écrans émettent de la lumière, alors que la peinture et les encres absorbent de la lumière.

On dit que le trio rouge-vert-bleu sont les couleurs primaires de la synthèse additive (les lumières sont émises et se cumulent), l’on parle également de couleurs fondamentales. Les cyan-magenta-jaune sont les couleurs primaires de la synthèse soustractive (les longueurs d’ondes sont absorbées et se soustraient).

Le système utilisant le cyan, magenta et jaune se nomme le système CMJ en français ou CMY en anglais (Y pour yellow, jaune).

Quand on regarde le canevas de base, c’est-à-dire l’écran éteint ou la feuille blanche, on comprend que les systèmes RGB et CMY sont complémentaires. Un écran est noir, et les illuminations des pixels donnent progressivement des couleurs de plus en plus proches d’une illumination totale, c’est-à-dire d’un écran blanc. Le CMY fait l’inverse : la toile ou le papier sont blancs, renvoient toutes les couleurs, et ajouter des pigments assombrit alors le dessin. Les deux ont une logique opposée.
En quelque sorte, le CMY est le négatif du RGB (et inversement).

Si l’on revient à notre orange-vif de tout à l’heure :

  • en RGB : rgb(203, 115, 26) ;
  • en RGB% : rgb(80%, 45%, 10%) ;
  • en CMY : cmy(20%, 55%, 90%)

On remarque, sur ces deux dernières lignes, que pour la même couleur, on a R+C = 100 %, G+M = 100 % et B+Y = 100 %.
Mathématiquement, les deux systèmes sont complémentaires, et on peut évidemment convertir le RGB en CMY et vice-versa avec de simples soustractions. L’on représente les conversions entre espaces de couleurs sous la forme de matrices :

$$\left(\begin{smallmatrix} C \\ M \\ Y\end{smallmatrix}\right) = \left(\begin{smallmatrix} 1 \\ 1 \\ 1\end{smallmatrix}\right) - \left(\begin{smallmatrix} R \\ V \\ B\end{smallmatrix}\right)$$

La quadrichromie CMYK

Vous aurez remarqué que votre imprimante utilise des cartouches CMY, mais également une cartouche noire. L’on parle alors de quadrichromie : cyan, magenta, jaune et noir : CMJN, ou CMYK en anglais.

L’idée est de faire des économies : en effet, quand on veut faire du noir (ce qui arrive souvent en impression, par exemple pour du simple texte) avec du CMY, on doit mettre du cyan à 100 %, du magenta à 100 % et du jaune à 100 %. Autrement dit, on met trois fois plus d’encre, alors qu’on pourrait utiliser juste une encre déjà noire.

Plus généralement, quelle que soit la couleur, du noir peut être ajouté dès lors qu’un peu de noir permet de remplacer plus d’encre couleur.

Notre orange-vif devient :

  • en CMYK : cmyk(0%, 43%, 87%, 20%) : Le noir à 20 % permet de réduire à zéro le cyan, et de diminuer les autres couleurs.

On le voit également très bien quand on décompose une image en ses différentes composantes :

Décomposition d’une image en RGB, CMY et CMYK.
Décomposition d’une image en RGB, CMY et CMYK. Notez qu’en CMYK, l’ajout de l’encre noire permet de réduire la consommation des trois autres encres. (source 1, 2, 3)

Et l’hexachromie ?

Utiliser trois couleurs primaires (plus le noir) peut parfois produire un rendu limité. En effet, pour obtenir des tons un peu clairs, il faut que les gouttes d’encre sur le support blanc soient suffisamment petits ou espacées pour que le rendu mélangé au blanc donne une couleur claire visuellement.

Or, en photographie, pour obtenir des photos de qualité, on ne veut pas de cette granularité dans l’image, en particulier pour les régions bleues ou rouges. Ceci est particulièrement un problème quand beaucoup de photos contiennent des portions de ciel, de mer, ou de peau humaine dans ces tons-là.

Le problème est que le magenta ou le cyan seront toujours du magenta et du cyan, et ne peuvent pas être foncés ou clairs. Si le noir peut donner facilement l’illusion d’assombrir la couleur, pour l’éclaircir c’est plus délicat. Il faudrait une encre un peu moins sombre, en particulier pour le cyan et le magenta (le jaune est lui-même assez clair pour ne pas souffrir de ce problème).

C’est exactement ce que fait l’hexachromie, qui imprime avec 6 cartouches différentes dans des imprimantes spécifiques : cyan, cyan-clair, magenta, magenta-clair, jaune et noir : CcMmYK.

Ceci demande un matériel spécifique, davantage d’encre également, et est généralement utilisé par les professionnels de la photographie.

Conclusion

Pour conclure sur le format RGB et CMY, il s’agit d’un format issu de la trichromie des yeux humains, que l’on mimique pour créer nos écrans couleur, également en RGB, sur des sous-pixels, ou les systèmes d’impression, qui sont en CMY.
Ces trois canaux à chaque fois sont dosés puis additionnées afin d’obtenir la couleur souhaitée.

D’autres méthodes existent, et pour ça je vous invite à lire les autres articles de cette série sur les couleurs.

Finissons par dire tout de même que 16 millions de couleurs dans ces deux espaces peuvent sembler beaucoup, mais ça ne représente pas toute la gamme (ou gamut) des couleurs que l’œil est capable de capter. Certaines couleurs ne sont pas affichables par nos écrans en sRGB.

La norme sRGB ayant plus de 50 ans, et la technologie ayant évoluée depuis, certains écrans peuvent désormais afficher des couleurs au-delà de sRGB, donc des couleurs qu’il est impossible à représenter en RGB (par exemple comme rgb(320, −110, −10), qui n’a aucun sens en RGB, mais qui peuvent exister dans d’autres espaces, comme la CIE XYZ, le P3 ou le OkLab. Le RGB nous fait ainsi louper des couleurs, et de nouveaux standards de couleurs sont à l’étude pour remplacer le RGB petit à petit, en tout cas pour les écrans compatibles.

Notes

[1] : il est plus rigoureux de parler de l’énergie (ou de fréquence temporelle) d’un rayon lumineux, que de parler de longueur d’onde. La longueur d’onde dépend en effet du milieu traversé : ainsi, dans l’air, le « rouge » correspond à 800 nm, alors que dans l’eau, le même rayon lumineux aura une longueur d’onde de 600 nm. Le rayon, s’il ressort de l’eau, reprendra ses 800 nm. La longueur d’onde aura donc changé sur son trajet, mais son énergie est restée la même.
Si l’on pose que le milieu considéré est l’air, on peut parler de longueur d’onde comme d’énergie. C’est ce que je fais dans toute la suite de l’article.

image d’en-tête de Bill Selak

1 commentaire

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Anne-Marie écrit :

Merci de cet article. Sans formation scientifique mais un peu photographe, je n'ai jamais lu un article aussi clair sur la couleur !


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