Avec les cyclones Irma, Harvey qui se présentent au niveau des Caraïbes alors que j’écris cet article, on parle de la force de Coriolis, comme étant la force qui donne le sens de rotation à ces cyclones. J’avais déjà parlé de l’effet de Coriolis dans mon article sur le sens de rotation des tourbillons dans les éviers, qui est davantage un phénomène aléatoire.
L’effet de Coriolis est en revanche bien réelle est c’est bien elle qui donne son sens de rotation aux cyclones : horaire dans l’hémisphère sud et antihoraire dans l’hémisphère nord.
La notion de « force » est plutôt mal choisie dans l’expression « force de Coriolis ». En effet, on définit une force comme une interaction entre deux corps, avec un point d’application, un sens, une direction et une intensité. Or, pour la « force » de Coriolis, on n’a rien de tout ça !
C’est pour cela que je préfère employer le terme de « effet de Coriolis » (calqué de l’anglais « Coriolis Effect »). L’expression exacte en physique n’est d’ailleurs pas non plus « force de Coriolis » mais « accélération complémentaire de Coriolis ».
L’effet de Coriolis intervient à chaque fois que l’on considère un mouvement par rapport à un référentiel en rotation.
C’est donc quelque chose qui arrive :
- quand on marche sur un manège qui tourne
- quand on considère une fusée vis-à-vis d’un astre en rotation
- quand on regarde le déplacement des masses atmosphériques par rapport à la rotation de la Terre.
C’est dans ce dernier cas que l’on va se placer ici, pour cet article.
L’origine de l’effet de Coriolis
L’origine de la force de Coriolis vient de la sphéricité et de la rotation de la Terre.
Notre planète effectue une rotation sur elle-même en 24 heures. Cela signifie que, où que l’on se trouve sur le globe, l’on effectue un tour en 24 h.
Or, tous les points du globe ne parcourent pas la même distance au cours de cette rotation : en effet, le cercle formé par l’équateur est beaucoup plus grand que celui formé sur les parallèles plus proches des pôles :

La distance parcourue varie avec la latitude, mais pas la durée de rotation. Il en résulte donc que la vitesse de déplacement varie elle aussi avec la latitude !
Ainsi : à l’équateur, une rotation en 24 heures sur 40 000 km correspond à une vitesse d’environ 1 700 km/h vers l’est. À Paris, ville située à 48° Nord, la vitesse est plutôt de 1 100 km/h vers l’est également. À 5 km du Pôle Nord, la vitesse de déplacement vers l’est n’est plus que de 0,65 km/h. Au pôle, cette vitesse est nulle.
Ceci est quelque chose de fondamental en météorologie : une masse d’air proche de l’équateur — et donc animée d’une vitesse de 1 700 km/h — qui remonte vers le nord va en effet conserver sa vitesse. Du coup, si, hypothétiquement, elle arrive au niveau de Paris, toujours avec sa vitesse latérale de 1 700 km/h, elle va se trouver au-dessus d’une ville qui ne se déplace qu’à 1 100 km/h. La différence est alors de 600 km/h ! C’est donc comme si le cyclone nous balayait avec des vents de 600 km/h.
Évidemment, il y a une perte de vitesse quand le cyclone remonte, et on n’aura jamais 600 km/h de vents, mais cette perte de vitesse n’est pas totale et il subsiste une différence.
Il en résulte alors que les masses d’air remontant de l’Équateur vers le nord continuent d’avoir un déplacement d’ouest en l’est. Par rapport à la Terre (au sol), c’est comme s’ils déviaient de leur course vers le nord :

À l’inverse, une masse d’air qui descendrait du nord vers l’équateur accumulerait un « retard » sur la rotation terrestre et se retrouverait à aller moins vite vers l’est : sa déviation se ferait vers l’ouest.
La formation et la mise en rotation d’un cyclone
Imaginons une région très chaude et humide (conditions très souvent remplies au niveau de l’équateur et dans toute la région intertropicale) : l’air se charge d’humidité, se réchauffe puis amorce une ascension dans l’atmosphère où il va se former un nuage puis une dépression. Il se crée un vide d’air au niveau du sol : l’air situé partout aux alentours va venir s’engouffrer sous le nuage.
Un cyclone est généralement suffisament grand et étendu pour que l’air qu’il aspire provienne de régions où le déplacement se fait à des vitesses sensiblement différentes : l’air en provenance du nord va être dévié vers l’ouest, et l’air en provenance du sud est dévié vers l’est.
Ces mouvements latéraux des masses d’air vont finir par s’imprimer à même la dépression et former un vortex :

Au final, c’est toute la dépression qui se met en rotation, donnant lieu à un cyclone.
Le sens de rotation dépend de l’hémisphère : au nord, les déviations sont comme indiquées sur les schémas ci-dessus.
Dans l’hémisphère sud, la déviation est toujours vers l’est lorsqu’on s’éloigne de l’équateur (et vers l’ouest lorsqu’on s’en approche), mais comme l’on s’éloigne de l’équateur dans l’autre sens, la rotation des cyclones se fait dans l’autre sens.
En somme, dans l’hémisphère nord la rotation des cyclones se fait en sens antihoraire, et dans l’hémisphère sud elle est de sens horaire.
Quelques mots sur l’énergie d’un cyclone
Le cyclone tire son énergie dans la chaleur du Soleil : c’est lui qui réchauffe les océans et provoque l’évaporation de l’eau. La vapeur d’eau se trouvant être moins dense que l’air, elle s’élève, produisant une dépression au niveau du sol. Cette dépression va être comblée par une arrivée d’air partout autour. En fonction de l’origine de cet air (nord ou sud), les courants d’air subissent une déviation due à l’effet de Coriolis qui va mettre l’ensemble de la dépression en rotation, donnant naissance à un cyclone.
Le cyclone continuera d’être alimenté tant qu’il sera au-dessus de régions chaudes et humides (typiques des régions tropicales). Une fois que le cyclone est au-dessus des continents ou d’une mer plus froide, il n’est plus alimenté en air humide : il cesse de grossir et finit par s’évanouir une fois que toute l’humidité accumulée se sera déversée lors des pluies.
Dans son ensemble, une telle formation peut faire la taille de la France et produire des vents de plus de 300 km/h.
L’énergie totale d’un cyclone est également chiffrable : un cyclone constitue non seulement une importante masse d’air en rotation (donc une somme d’énergie cinétique très grande), mais aussi et surtout une gigantesque quantité d’eau chaude en altitude. L’énergie (chaleur, chaleur latente, énergie potentielle…) contenue dans l’eau d’un cyclone représente d’ailleurs près de 400 fois l’énergie cinétique du cyclone. Pour le dire autrement : les vents produits par un cyclone ne sont que 0,25 % de l’énergie totale véhiculée.
On estime (source) qu’un cyclone moyen transporte et dégage en un seul jour 4 à 5 fois la quantité d’énergie électrique produite par les USA en une année.