Un Gömböc.
À nouveau, un petit article pour partager quelques objets avec de la science ! N’hésitez pas non plus à fouiller dans les autres articles de la série (listés en bas de l’article), s’il vous manque des idées de cadeaux de Noël, qui approche !

Cette fois-ci, je me suis limité sur des objets mathématiques et géométriques. Vous allez rapidement comprendre de quoi il s’agit.

Le Gömböc

Il s’agit de l’objet sur la photo d’en-tête ci-dessus.

Vous connaissez le culbuto ? C’est ce type de jouet qui revient toujours à sa position debout quand on le pousse. Eh bien le Gömböc est une figure en 3D qui pousse ce concept encore plus loin : il s’agit d’une forme qui possède exactement 1 point d’équilibre stable et 1 point d’équilibre instable.
Cela signifie que quelle que soit la position avec laquelle vous posez l’objet sur la table, il basculera et se placera toujours dans la même position. Il y a juste une seule exception (le point d’équilibre instable), mais dans ce cas, une pichenette le fera quitter ce point et se diriger pour son point d’équilibre stable.

Pour le moment, n’importe quel culbuto possède également cette particularité. Ce qui rend le Gömböc si spécial, c’est qu’il est homogène.
Le culbuto contient différentes parties qui sont plus ou moins lourdes. Le Gömböc, lui, est un solide homogène : il n’y a pas de parties lestées pour le forcer à rouler sur un point précis.

Le fait qu’il ne possède qu’un seul point d’équilibre ne vient alors pas de la distribution de masse ou de sa densité, mais de sa géométrie calculée de façon précise.

Cette particularité explique peut-être également son prix prohibitif, autour de 200 €, car il lui faut une précision d’environ de 10 microns sur l’usinage ou l’impression 3D.

Pour la petite histoire, l’idée d’une forme possédant un seul point d’équilibre stable et qui soit homogène a été posée en 1995 par Vladimir Arnold, et ce n’est que 11 ans plus tard que deux mathématiciens hongrois, Gábor Domokos et Péter Várkonyi, réussirent à le modéliser puis à le fabriquer. C’est donc tout à fait récent comme forme.

Enfin, notons que le Gömböc n’est pas une forme unique : il existe plusieurs variantes (bien qu’elles se ressemblent toutes beaucoup). Voyez également l’article sur Science-Étonnante qui en parle plus en détails : Pour Noël, offrez un Gömböc !

Le sphéricon et l’héxasphéricon

Vous connaissez le ruban de Möbius : cette bande de papier qui, si on dessine un trait dessus, on se rend compte qu’il n’a qu’une seule face ? Eh bien le sphéricon et l’héxasphéricon sont un peu le penchant 3D et solide du ruban de Möbius.

Contrairement à un cylindre qui possède 3 faces, ou à un double cône qui en possède 2, les deux formes présentées ici ont une seule face. Une des particularités est que s’il roule sur une table, toute sa surface entre progressivement en contact avec la table, lui donnant au passage un mouvement assez… spécial.

Géométriquement, ils sont construits en prenant respectivement pour le sphéricon et l’hexasphéricon un double cône de révolution et un cylindre surmonté de cônes à sa base, coupés ensuite en deux. Chaque partie est ensuite tournée à 90°, puis recollées (comme le ruban de Möbius) :

Ces animations proviennent de la page Kickstarter qui les fabrique et les vend. On les trouve en acier (gris), cuivre (rouge) ou laiton (jaune).

Les solides de Reuleaux

Dans le même style que les solides précédents, on trouve des tétraèdres de Reuleaux.

Le tétraèdre de Reuleaux est la version tridimensionnelle du triangle de Reuleaux. Les figures de Reuleaux sont des formes qui ont un diamètre constant. Le cercle possède bien-sûr cette propriété, mais il n’est pas le seul !

Certaines figures ont un diamètre constant, mais pas de rayon constant. Quand on parle des figures de Reuleaux, on parle de ces figures là. On notera que les figures de Reuleaux sont toutes des figures avec un nombre impair de côtés : on trouve ainsi les triangles, les pentagones, les heptagones de Reuleaux, etc.

En tant que figure 2D, ces formes sont parfois utilisées pour les pièces de monnaie ou les plaques d’égouts : les pièces ont besoin d’un diamètre constant pour pouvoir être reconnues par les distributeurs de boissons, et les plaques d’égouts au diamètre constant ne peuvent pas tomber dans l’égout. Ces formes permettent de varier un peu par rapport à un cercle.

En 3D, les solides de Reuleaux ont la particularité de permettre à une plaque de rouler dessus de façon plane (sans monter ou descendre) comme sur une bille ou une roue :

Ces petits objets peuvent être achetés sur le net, également sur Kickstarter dans le cas présent. Une alternative, qui n’est pas tout à fait un solide de Reuleaux, mais qui en possède la même caractéristique est disponible sur ce site ici, où ils nomment ça des « orbiformes ».

Le superœuf

Le superœuf est un solide en forme d’œuf mais qui a la particularité de pouvoir tenir debout. Il se situe entre un œuf dont le sommet et la base sont aplatis et un cube dont les faces sont bombées. La particularité cependant c’est qu’il n’a pas d’arêtes ni de sommets :

Un super-œuf, sculpture d’après Piet Hein
La superellipsoide de Piet Hein, à Farum (Danemark) (image)

Il est obtenu par révolution d’une super-ellipse, ou courbes de Lamé. Pour votre culture, ces solides sont définies par l’inéquation suivante (où $p>2$) :

$$\left|\frac{\sqrt{x^2 + y^2}}{r}\right|^p + \left|\frac{z}{h}\right|^p \leq 1$$

Vous l’aurez immédiatement reconnu (ou pas), il s’agit presque de la forme de la boîte jaune dans les œufs Kinder®, juste un brin plus mathématique.

On peut constater que si $r = h$ et si $p=2$, on retombe sur une sphère. $r$ et $h$ sont les différents rayons de l’ellipsoïde (égaux entre-eux dans une sphère) et l’exposant $p$ traduit le degré d’aplatissement, ou de courbure des faces. Pour une valeur de 2, la courbure correspond à une sphère. Pour 1, il s’agit d’un cube.

Dans les autres cas, on obtient des formes hyperboliques, concaves ou convexes (voir ici).

Notre super-ellipsoïde est un superœuf qui a $p>2$. Ainsi il sera convexe (ou bombé) et sa section dans un des plans sera un cercle parfait. Et comme je l’ai dit, il est capable de tenir debout : le sommet et la base sont certes courbées, mais ils ont une zone horizontale.

Là aussi, il existe sous la forme d’un objet physique en métal (comme « boule anti-stress »), par exemple sur cette boutique.

Faire un petit artefact en acier poli n’est pas la seule application pour les super-ellipses.
La forme d’un stade de football, celle d’une citerne sur un camion, de certains joyaux, des savonnettes, la forme en entonnoir d’un haut parleur… sont toutes des super-ellipses. La géométrie d’un hublot d’avion, destinée à minimiser les contraintes mécaniques tout en maximisant la taille de la vitre, est une super-ellipse également.

Le Cube 50|50

Ce cube est une forme qui allie géométrie et physique des matériaux : croyez-le ou non, les deux parties du cube font la même masse et pèsent autant :

Le cube 50|50
La petite partie est en tungstène, qui est un matériau dont la densité égale celle de l’or ou du plutonium, et la grande partie est en magnésium, un métal particulièrement léger :

 Densité  Masse volumique 
Magnésium1,71 700 kg/m³
Tungstène19,219 200 kg/m³

Le tungstène, comme je l’avais déjà expliqué avant sur ce blog, est l’élément le plus dense que l’on peut espérer avoir dans la main. Aucun métal courant, aucun minéral, aucun bois n’est plus dense que lui : il est 70 % plus dense que le plomb et 45 % plus dense que le mercure.
Les seuls éléments plus denses sont soit quelques métaux précieux hors de prix (platine, osmium, rhénium…) soit très dangereux (uranium, plutonium…).

Cette sculpture (autrefois disponible sur Kickstarter) tire parti de la différence de densité des métaux au sein d’une création artistique amusante.

L’anagyre

L’anagyre est un petit jouet très simple en forme de canoë. Quand on le fait tourner, il se met à vibrer puis à tourner dans l’autre sens. Le changement de sens ne se fait généralement que dans un seul sens de départ : un peu comme s’il avait un sens de rotation privilégié qu’il essayait d’atteindre quel que soit le sens de départ :

Vidéo d’un anagyre mis en rotation dans les deux sens. (source)

L’anagyre est un solide géométrique qui n’est pas homogène : il est lesté à certains endroits de façon à ce que l’axe de symétrie soit différent des axes d’inertie. Quand on le fait tourner, l’axe de rotation (autour d’un axe d’inertie) entre en conflit avec l’axe de symétrie géométrique (sur lequel il est en contact et frotte avec la table) et il se crée une instabilité dans la rotation : la rotation s’arrête alors et l’anagyre vibre alors sur la table. Peu à peu, l’énergie dans le mouvement de la vibration se transmet sur l’axe de rotation naturel de l’anagyre et il se met à tourner dans ce sens-là.

Un phénomène analogue est observé quand on jette un smartphone ou un zippo en l’air en essayant de le faire tourner sur lui-même : on peut le faire tourner par le plan passant par la tranche, par le petit côté, mais pas par le grand côté. Si on essaye, le mouvement est instable et il finira par bouger dans tous les sens.
Là encore, c’est une question d’axe d’inertie, dont seulement certains sont stables.

Autres listes

Le présent article est le quatrième d’une série.
Les autres sont là :

Image d’en-tête de Obersachse, dans le Domaine Public

4 commentaires

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Juju écrit :

Merci de nous aider pour Noel !
En ce qui concerne l'Anagyre, ça marche aussi avec une espadrille ou une tongue (moins fragile qu'un téléphone) et je me suis toujours demandé comment ça se faisait ?

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Le Hollandais Volant écrit :

@Juju : C’est une question de moment d’inertie. Cette grandeur traduit la répartition de la masse au sein d’un objet et permet de prévoir la résistance à la mise en rotation de l’objet.

Deux objets de masse identiques (une sphère et un disque, par exemple) sont plus ou moins faciles à mettre en rotation. Cela dépend du moment d’inertie de l’objet.

Une espadrille ou un téléphone peuvent être simplifiés comme étant des pavés. Le pavé a trois axes de symétrie qui passent par le centre de masse : on parle d’axe d’inertie, et l’objet peut tourner librement autour de ces trois axes.

Il se trouve et l’on montre que la rotation selon le petit axe et selon le grand axe sont ceux avec les moments d’inertie extrêmes, et ces rotations sont stables. Le dernier axe est celui avec le moment d’inertie intermédiaire et n’est pas stable : il tend à dévier vers une des deux rotations stables.

C’est pour ça, quand on essaye de faire tourner le téléphone sur son « côté instable », alors l’énergie va peu à peu être transmise à une rotation selon un des autres axes, pour se stabiliser.

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Juju écrit :

Ce qui est spectaculaire, c'est que si on tient l'espadrille par une extrémité et qu'on lui faire faire un tour complet sur elle-même en la jetant, elle change systématiquement de sens (une fois sur deux, un coup coté semelle et l'autre, le dessus). Il est d'ailleurs très difficile d'empêcher ce changement de sens.

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nicolas écrit :

merci beacoup j'adore


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