Comme d’habitude quand il fait froid et qu’il gèle dehors, la DDE répand du sel sur les routes pour prévenir la formation de verglas ou la tenue de la neige.
Il y a deux questions qui viennent à l’esprit :
- pourquoi du sel et pas autre chose ?
- comment le sel arrive-t-il a fondre la glace ou maintenir l’eau liquide ?
Et dont voici les réponses.
Pourquoi utilise-t-on du sel ?
Réponse courte : parce que ce n’est pas cher !
Comme vous allez le voir ci-dessous, l’action du sel sur la glace et sur l’eau provient du fait qu’elle se dissout. On aurait très bien pu utiliser n’importe quoi d’autre pour ça : du sucre, de la soude, du savon, un acide quelconque…
Le choix du sel est ici purement un choix économique et pratique : il est abondant partout sur Terre et c’est un produit bon marché.
Le sel a quelques inconvénients tout de même, et d’autres idées existent pour s’en passer.
Déjà, une fois l’hiver passé, le sel ne reste pas sur la route. Il se retrouve dans l’eau, s’infiltre dans le sol… Bien-sûr, la majeure partie du sel finit dans les rivières, puis les fleuves et retourne dans les océans. Mais entre temps, le sel agit sur le vivant et pas tellement dans le bon sens du terme.
Ensuite, le sel sur les routes oxyde la carrosseries métallique des voitures. Si l’acier rouille naturellement en présence d’humidité et d’air, cette oxydation est accélérée en présence de sel !
D’ailleurs, les bateaux sont protégés de ça par des pastilles appelés « anodes sacrificielles » de zinc ou magnésium collées sur la coque du bateau. Ce sont alors les pastilles qui se corrodent, plutôt que le navire.
Pour toutes ces raisons, certains pays comme la Suisse étudient la possibilité d’employer du sucre à la place du sel, qui n'est pas corrosif ni toxique pour l'environnement.
Aussi, en plus du sel de table — le chlorure de sodium — on utilise parfois d’autres types de sels : chlorure de calcium, chlorure de potassium, acétate de potassium…
Tous fonctionnent, avec un degré d’efficacité et des températures d’utilisation spécifiques, mais le principe physico-chimique est identique à chaque fois, et c’est l’objet de ce qui suit.
Comment le sel fond t-il le verglas ?
En fait, le sel ne fond pas la glace en le réchauffant comme on pourrait le penser. Au contraire !
Quand vous versez du sel dans un verre d’eau, le contenu du verre se refroidit significativement (de plusieurs degrés pour une simple cuillère de sel).
Il se passe la même chose sur de la glace. Un glaçon à −4 °C du congélateur refroidit à −10 °C si on verse du sel dessus.
Alors que se passe-t-il ?
De même que pour l’évaporation qui permet aux océans de produire des nuages sans bouillir, simplement parce que des molécules d’eau liquide se détachent de la surface pour aller dans l’air, dans le cas de la glace, quand il fait froid, des molécules d’eau viennent se coller une à une à la glace, mais il y a aussi des molécules d’eau de la glace qui retournent dans l’eau liquide.
À la température de fusion de l’eau (0 °C), l’équilibre est parfait : dans un récipient isolé contenant de l’eau et de la glace, le système évoluera, puisque certaines molécules changent de phase, mais les quantités de glace et d’eau ne varient pas.
Si la température baisse, alors le flux de molécules qui vont de l’eau vers la glace l’emporte : la formation de glace devient plus importante.
Cependant, il reste toujours (et c’est important ici) une toute petite pellicule d’eau liquide à la surface de la glace car ce sont les molécules qui passent de la glace vers l’eau (c’est ce qui rend la glace si glissante).
Lorsque l’on vient ajouter sur sel sur de la glace, ce dernier se dissout dans cette pellicule d’eau liquide.
Du sel vient se retrouver à l’interface eau-glace et cela va déplacer l’équilibre entre les deux flux de molécules d’eau : le flux de molécules d’eau qui vont de la glace vers le liquide est à nouveau le plus rapide.
Résultat : la glace redevient liquide ! Et ceci, même lorsque la température est en dessous de 0 °C, y compris en tenant compte du fait que la dissolution du sel a pour effet de refroidir l’eau.
Le chlorure de sodium permet ainsi de garder l’eau liquide jusqu’à environ −21 °C. Cette température correspond alors au point de cristallisation du sel : à cette température, le sel quitte l’eau et forme des cristaux.
Sous cette forme (solide), il ne participe plus à ralentir la solidification de l’eau, et l’ensemble reste en équilibre : le nouveau point de fusion de l’eau, saturée en sel, est de −21 °C.
On parle alors de « température eutectique » : quand on a à faire à deux produits — le sel et l’eau, l’un dissout dans l’autre — qui cristallisent chacun de leur côté alors qu’ils forment normalement un produit homogène.
À cette température eutectique, la température est trop basse pour maintenir l’action du sel : le flux de molécules d’eau fondante ne compense plus le flux de molécules d’eau se solidifiant, et elle finit par geler malgré tout et le sel par se cristalliser.
Quand de telles conditions météorologiques se présentent, les autorités peuvent utiliser autre chose que du sel de table, comme du chlorure de magnésium (dont la température eutectique est de −33 °C), du chlorure de calcium (−51 °C) ou bien une mixture de ces différents sels (dont le choix des proportions dépend alors de la météo et des budgets).
Enfin, quand il fait vraiment trop froid ou que la route est trop enneigée, le mieux est encore de rester au chaud chez soi.
Liens et références
Sources des informations :
- (en) Why do we throw salt on icy roads? (vidéo de Phil Hultin, professeur de chimie de l’université de Manitoba)
- (en) Chemistry: the effect of salt on the freezing point of water. (article sur le blog Science Matters)
Liens supplémentaires :
- (fr) Comment fonctionnent les cuillères à glace eutectiques ? (sur ce blog ; une autre application, utilisée par les vendeurs de glaces, des propriétés d’un mélange dit « eutectique »)
- (fr) Pourquoi l’eau de mer est salée ? (sur ce blog ; d’où vient le sel anyway ?)
- (fr) Pourquoi se déshydrate-t-on en buvant de l'eau de mer ? (sur ce blog ; parlant de sel et d’eau : pourquoi il ne faut pas boire de l’eau salée)
- (fr) Pourquoi y a t-il une évaporation sans que les océans ne bouillent ? (sur ce blog ; si la glace gèle et fond en fonction d’un équilibre de flux de molécules entre les deux phases, il en va de même pour la transition liquide/gaz : c’est pour ça qu’il y a une évaporation des océans même en dessous de 100 °C).